Un "carrefour
de la diversité"
pour l'égalité d'accès à l'emploi
Le 28 octobre 2005, près de 200 jeunes diplômés (bac + 4 au minimum), d'origine africaine ou venus des DOM-TOM ont participé à une matinée de débats avec les représentants de plusieurs entreprises dans le cadre du « Carrefour de la diversité » qui se tenait au CNIT de La Défense (92). Ils s'étaient auparavant enregistrés dans l’annuaire des talents de l’Association Africagora qui recense leurs diverses compétences à destination des recruteurs potentiels. Au coeur des débats, la question suivante : « Faut-il recenser les minorités pour assurer la diversité ? », le groupe France Télévision a annoncé avoir engagé, fin septembre 2005, une étude visant à recenser les origines ethniques de l'ensemble de son personnel. Autorisée par la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté), cette étude est financée par le FSE (Fonds Social Européen) dans le cadre de l’initiative communautaire « Equal » qui vise à lutter contre les discriminations et les inégalités face à l'emploi. « Cette étude représente un indispensable instrument de mesure. Il y a 20 mois que nous avons engagé notre PAPI (Plan d’Action Positive pour l’Intégration) qui s’est d’ores et déjà traduit par une quarantaine de promotion et une revitalisation de l’école de formation interne. Nous avons la volonté de représenter les 10% de la France venu d'ailleurs », a souligné Edouard Pelé, délégué à l'intégration et à la diversité à France Télévisions. La société de gestion des Eaux de Paris (600 salariés) a confirmé que sa démarche de recensement des minorités visibles venait de débuter. Partenaire historique d’Africagora, le groupe PSA se montre tout aussi favorable à cette évaluation. Elle constitue l’occasion pour le groupe automobile de comparer, à compétences égales, les taux d'accès à la formation, les augmentations de salaires et bien entendu les recrutements selon l’origine ethnique, pour engager des actions correctives.
Les risques du comptage
Frédéric Girard, responsable de la recherche et développement
chez Adia, autre partenaire d’Africagora, a au contraire estimé « qu’il ne faut pas commencer à
entrer dans des logiques de comptage. Qui faut-il compter ? Faut-il par
exemple commencer à comptabiliser les obèses ? Nous pensons
qu’introduire une norme de recrutement axé sur les compétences est préférable ».
SOS Racisme a également signifié son opposition à ce que toute mention de
l’origine ethnique soit enregistrée dans une base de données. Samuel Thomas,
le vice-président de l’association, a mis en garde sur les risques de dérives
inhérentes à la généralisation d’une telle pratique en avançant « que le CV anonyme et le comptage
des minorités visibles sont, par nature, antinomiques ».
Les avantages et inconvénients du CV anonyme ont
aussi été abordés, lors de ce « Carrefour de la diversité ». PSA a
expliqué que l’expérience pilote, conduite depuis 4 mois, sur des
recrutements non cadres ne modifiait pas sensiblement, pour le moment, les
taux de retours. Le bilan sera fait en décembre.
Le MEDEF Nord Francilien a profité de la manifestation
pour détailler les modalités de son opération « Nos quartiers ont du talents
». Constatant le très faible taux de retour des CV des diplômés (Bac + 4 et
plus) présentés par des personnes issues des minorités visibles résidants en
Seine Saint-Denis (93), le MEDEF local a convaincu 100 entreprises,
implantées dans le département, d’adresser des retours systématiques à
200 CV (non anonymes) sélectionnés par les ANPE. L’opération sera lancée le
19 novembre avec un bilan prévu 2 mois après. « Nous comptons décliner la démarche sur les 150 MEDEF
locaux », affirme Yazid Chir, co-président du MEDEF Nord
Francilien.
Discrimination positive de fait
Alors qu'Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l’égalité
des chances, rappelait qu'il n'était "pas question de quotas", les débats
n'auront pas fait le lien entre le recensement des minorités visibles et la
discrimination positive. Pas directement du moins. « Je suis très réservé sur la notion
de discrimination positive » a notamment déclaré Jean-Luc
Vergne, directeur des relations et ressources humaines de PSA qui compte bien
veiller à ce que les recrutements du groupe soient représentatifs des
candidatures reçues. PSA s’est, par ailleurs, engagé à recruter 45 diplômés,
issus des zones urbaines sensibles, en 2005. « Quoi qu’on en dise il s’agit bien
de discrimination positive », estime Lahbib Eddaouidi,
secrétaire de la section CGT de l’usine PSA de Poissy. Sur les 5 membres du
bureau CGT de l’usine, 2 sont désormais issus de l’immigration. « Il ne faut pas se contenter
d’attendre que les initiatives viennent de la direction. Il nous appartient
de nous engager pour que la base prenne conscience de l’enjeu de la
diversité. Je me suis syndiqué en 1997 et j’ai été très surpris de noter les
a priori que pouvaient nourrir certains syndicats quand la direction a
proposé de négocier, courant 2004, un accord sur la diversité et la cohésion
sociale », explique Lahbib Eddaouidi, intervenu dans les
débats pour affirmer qu’il fallait que les jeunes issus des minorités « prennent leur place ».
Africagora accompagne les talents
Dans l’après-midi, le « Carrefour de la diversité »
s’est transformé en forum emploi. 7 profils sélectionnés et accompagnés par
Africagora ont ainsi passé des entretiens d’une heure avec des chargés de
recrutement de PSA. Ce pré- filtrage d’Africagora à, d’ores et déjà, permis à
PSA de recruter 5 personnes, enregistrées dans l’annuaire des talents de
l’association, qui compte 750 profils et dont la consultation est réservée
aux recruteurs des entreprises partenaires. Le coût annuel du partenariat
avec Africagora est de 20 000 euros. « Nous effectuons un véritable suivi des candidats que
nous présentons aux entreprises partenaires. Il y a tout un travail en amont
pour présenter des candidats qui correspondent aux besoins exprimés par les
entreprises", explique Dogad Dogoui, le fondateur de
l’association qui vise une vingtaine d'entreprises partenaires alors que
l'Oréal et Ikea n'ont pas reconduit leurs parrainages. Outre ces entretiens
programmés à l’avance, l'ensemble des diplômés présents à cette manifestation
ont pu s'entretenir de façon informelle avec des représentants de France
Télévisions, de la chaîne de distribution Lidl et de la SSII Spécimens
tout en déposant des CV non anonymes.
Rodolphe
Helderlé
Mis en ligne le : 02/11/2005
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