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 banniére

Tri au faciès à l’office HLM

Jeudi, 10 Août, 2000
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Le parquet enquête sur une trentaine de bailleurs accusés de classer les demandeurs à l’aide de fichiers ethniques. Récit.

Le parquet enquête sur une trentaine de bailleurs accusés de classer les demandeurs à l’aide de fichiers ethniques. Récit.

" Des fichiers ethniques aux quartiers ghettos " : en mai dernier, SOS-Racisme accusait 32 bailleurs sociaux d’organiser la relégation des ménages immigrés dans les quartiers les plus dégradés à l’aide d’un logiciel illicite. La violence des allégations avait en partie étouffé l’affaire. Deux mois plus tard, elle rebondit : la ministre de la Justice vient en effet de saisir les quinze procureurs concernés. Tout commence le 19 mai. Un huissier de justice accompagné du vice-président de SOS-Racisme, Samuel Thomas, frappe à la porte de l’office HLM de Metz pour y contrôler les fichiers informatiques. Il découvre que certains listings de l’organisme mentionnent " le pays d’origine " des résidents. C’est illégal. La délibération du 21 janvier 1997 de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), qui recense les informations autorisées à figurer dans les fichiers des organismes HLM, n’intègre pas cette donnée. " Et tout ce qui n’apparaît pas dans cet inventaire est interdit ", insiste Thierry Jarlet, le responsable de la communication. En guise de défense, la direction de l’OPAC parle d’" erreur matérielle ", avant de se barricader derrière le fait que le logiciel incriminé " est utilisé dans 32 autres organismes en France ". C’est vrai. Habitat 400 a été vendu à une trentaine de bailleurs sociaux par la société Anova, sise depuis 1994 dans les locaux de l’OPAC de l’Isère à Grenoble. Or, à cette époque, l’office est dirigé par Yves Machefaux, ex-membre du PFN, et sa commission d’attribution par Gérard Dezempte, maire divers droite de Charvieux-Chavagneux, célèbre pour quelques trouvailles nauséabondes : la destruction d’une mosquée au bulldozer, un référendum municipal sur le seuil de tolérance aux immigrés (invalidé par le tribunal administratif de Grenoble) et la purge de 50 % des étrangers résidents dans les HLM de la ville.

Il n’en faut pas plus pour que SOS-Racisme impute aux lubies racistes dudit Dezempte l’élaboration du logiciel illicite. Erreur, rétorque l’édile, qui assure n’avoir jamais planché sur Habitat 400 et que le champ " pays d’origine " ne figure pas dans les renseignements fournis à la commission d’attribution. Ces dénégations de bon ton sont aussitôt redoublées par les déclarations des bailleurs mis en cause, qui oscillent entre vertu outragée et ébahissement complet. À l’office départemental HLM de la Drôme, on jure par exemple que " la zone pays d’origine reste inconnue, on ne la renseigne pas. Le logiciel, c’est une chose, chaque organisme ensuite l’utilise comme il veut ". À l’office HLM de Saint-Ouen, on assure n’avoir " rien compris à la bagarre de SOS-Racisme. La zone pays d’origine est codifiée, donc cela empêche toute discrimination. Cela revient à demander le lieu de naissance (information autorisée par la CNIL, NDLR). Et puis, de toute façon, ce n’est pas un critère d’exclusion. Cela nous aide pour assurer la mixité dans les immeubles ". Pour couper court à la polémique, l’Union HLM rappelle à l’ordre ses adhérents et Anova corrige son logiciel.

Fermer le ban ? Voire ! Dans les semaines qui suivent, SOS-Racisme continue de jouer à l’empêcheur de ficher en rond. Au service logement de la mairie d’Asnières (Hauts-de-Seine), un huissier de justice met la main sur un nouveau fichier qui distingue les demandeurs français de souche de ceux dont le pays d’origine n’est pas la France. " Si l’on sait que le bailleur ne veut ni Noirs ni Arabes dans son quartier, on précise dans les critères à l’aide des codes pays " Français ou Européens d’origine française ou européenne ", explique Samuel Thomas. La preuve par le terrain : sur les quinze immeubles neufs du centre-ville, SOS-Racisme ne décèle qu’un seul nom à consonance étrangère par cage d’escalier. Une proportion rigoureusement " inverse dans le quartier nord de la ville, où les étrangers sont en majorité ". À Metz, ce décalage avait déjà été relevé : 70 % des abonnés France Télécom du quartier dégradé de Borny ont un patronyme d’origine orientale, alors que cette proportion descend à 2,5 % dans les logements récents du centre-ville et des quartiers dits tranquilles...

Alors ? À coup sûr, SOS-Racisme fait mouche en dénonçant le tri ethnique qui préside (parfois) à l’attribution d’un logement social. Mais les bailleurs HLM en sont-ils pour autant comptables ? Ce sera aux quinze procureurs saisis par Élisabeth Guigou de trancher.

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