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Affaire Laforêt : «C’est un exemple de discrimination parmi d’autres»

Dimanche, 1 Janvier, 2017
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Suite à l'annonce raciste publiée par l'agence immobilière, plusieurs associations ont entamé une procédures judiciaire. Sans illusion sur les leçons qui en seront tirées. 
Suite à l'annonce raciste publiée par l'agence immobilière, plusieurs associations ont entamé une procédures judiciaire. Sans illusion sur les leçons qui en seront tirées. C’est un scandale dont le réseau d’agences immobilières Laforêt se serait bien passé. Depuis trois jours, diverses associations de lutte contre les discriminations se déchaînent contre le groupe, et plus particulièrement contre son agence des Lilas (commune limitrophe au nord de Paris). En cause ? La fiche technique d’un des appartements géré par l’agence, situé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), sur laquelle est tombée Moustapha, un particulier, lors d’une visite. Sur ce document interne qui n’aurait pas dû tomber dans les mains du jeune homme figure le commentaire suivant : «Attention, important pour la sélection des locataires : nationalité française obligatoire, pas de Noir, immeuble avec des policiers uniquement.» Une photographie est partagée sur Twitter fin novembre, finalement repérée par France Info en début de semaine.

Malgré plusieurs relances, impossible de joindre les responsables de l’agence des Lilas. Même silence au niveau du groupe aux quelque 700 agences labellisées, seulement un tweet qui «condamne vigoureusement cette situation» et présente leurs «plus sincères excuses». Des communiqués de presse ont finalement été diffusés par la maison mère et sa franchise hier en début de soirée, qui mettent en avant les valeurs «de la diversité et du respect de toutes les minorités, tant culturelles que religieuses». Et annoncent une enquête interne ainsi qu’un effort de formation «visant à faire respecter les principes fondamentaux de l’égalité à l’accession au logement et de la non-discrimination». Le groupe a de son côté annoncé «suspendre ce contrat de franchise en attendant le résultat d’une enquête disciplinaire en cours».

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«Relative impunité»

Laurent Balestra, un des responsables de l’agence des Lilas, s’était seulement exprimé en début de semaine auprès des journalistes de France Info, se dédouanant de toute discrimination, évoquant une «collaboratrice naïve et mal formée» répondant à «l’injonction de la propriétaire qui est raciste». Et qui aurait depuis quitté l’agence. Jean-François Buet, président la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) va dans ce sens. «Je pense que la personne ne se rendait pas compte de la gravité et de la dimension de ses actes. Il n’est pas question de racisme mais d’incompétence», indique-t-il auprès de Libération, tout en se déclarant «effaré et atterré par cette affaire». Le «patron» des agents immobiliers rappelle aussi que deux heures de formation sur les quatorze heures annuelles en ligne sont déjà dédiées à la déontologie et à la lutte contre la fraude.

Pas suffisant pour le Défenseur des droits qui a annoncé sur Twitter, mardi dans la soirée, se saisir de l’affaire et ouvrir une enquête. «Notre travail devrait aller assez vite, nous avons déjà pas mal d’éléments», explique Slimane Laoufi, chef du pôle «emploi, biens et services privės» auprès de Jacques Toubon, tout en restant «prudent» quant aux responsabilités de chacun. Il rappelle que le code pénal prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans de prison pour le particulier et 225 000 euros pour l’agence en tant que personne morale.

De nombreuses associations se mobilisent, par ailleurs, pour porter l’affaire en justice : la Maison des potes a déposé mardi une plainte auprès du parquet de Nanterre et la Licra a saisi le parquet de Paris. SOS Racisme, de son côté, étudie la possibilité d’une action juridique. Mercredi, c’était au tour du Conseil représentatif des associations noires (Cran) d’annoncer une action de groupe contre Laforêt pour laquelle une trentaine de personnes se seraient déjà manifestées, selon son président Louis-Georges Tin. «Les sanctions sont indolores pour les entreprises, si jamais elles sont poursuivies et condamnées», explique-t-il, regrettant que «les personnes qui discriminent bénéficient in fine d’une relative impunité».

Failles du système judiciaire

Une telle mobilisation de plusieurs groupes anti-discrimination, bien que sans coordination, témoigne du caractère emblématique de l’affaire. Les études et pratiques du testing ont déjà mis en lumière des discriminations récurrentes, notamment raciales, dans l’accès au logement. Mais cette fois, la présence d’une preuve écrite est exceptionnelle. «En règle générale, il n’y a aucune trace et les discriminations sont souvent orales, donc très compliquées à prouver», rappelle Dominique Sopo, président de SOS Racisme. Mais pour lui, l’absence de preuve écrite ne suffit pas à expliquer le peu de condamnations en la matière. «La loi est extrêmement stricte, le problème, c’est que la justice n’est pas assez ferme en matière d’enquête. Peut-être qu’elle n’est pas assez sensible à ce sujet», avance le président de SOS Racisme, avant de pointer l’absence, parfois, de confrontation entre agence et propriétaire…

L’homme n’est pas seul à dénoncer les failles du système judiciaire. «Le souci dans ces affaires, c’est que le procureur se réveille souvent trop tard, alors qu’il n’y a plus de preuves. Les enquêtes sont alors plus difficiles à mener, il faut une réaction plus rapide», développe Samuel Thomas, ancien de SOS racisme aujourd’hui à la tête de la Maison des potes. A ses yeux, l’absence de police dédiée ou de magistrats formés spécialement traduit «l’inertie des pouvoirs publics».

D’autres, à l’image du collectif Seum, sont plus dubitatifs. «C’est juste un exemple parmi d’autres. Ce n’est pas une condamnation qui va changer les difficultés d’accès au logement des populations racisées. Les chiffres le prouvent depuis longtemps», explique Nabila, une de ses membres. Et d’ajouter: «C’est à la toute-puissance des propriétaires qu’il faut s’attaquer, ils n’ont même pas besoin de prononcer le refus, encore moins de le justifier…»

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