Plainte de SOS Racisme contre les RG
Les renseignements généraux se sont-ils rendus coupables du
délit de fichage ethnique ? Une évidence pour SOS Racisme, qui a déposé
plainte mardi 22 août avec constitution de partie civile auprès
du tribunal de grande instance de Paris.
L’affaire remonte au 25 février dernier. Le journal Le Monde fait
état, dans un article sur le phénomène de la violence des bandes, d’un
rapport des renseignements généraux précisant l’origine ethnique de
plusieurs centaines de meneurs recensés dans 24 quartiers sensibles. Les
auteurs du rapport y distinguent les chefs de bande d’origine « maghrébine
», « africaine » ou « non immigrée ».
La même étude fera l’objet d’une dépêche de l’Agence France-Presse. « Nous
avons sans succès cherché à nous procurer ce rapport, explique le
vice-président de SOS Racisme, Samuel Thomas. Devant les difficultés
rencontrées, nous avons décidé de saisir la justice qui aura plus de moyens
pour se saisir du document. » Et identifier les auteurs et les «
commanditaires » de ce rapport.
Dans sa plainte, l’association considère qu’une telle enquête n’a pu être
établie que si un fichage ethnique des délinquants a été mis en place au
sein des renseignements généraux.
5 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende à la clé
Or, rappelle l’avocate de SOS Racisme, Me
Gaëlle Duplantier, les fichiers qui « ne renseignent pas sur la nationalité
des délinquants mais sur leur origine ethnique ou raciale contreviennent à
l’article 226-19 du code pénal en vigueur qui interdit le fichage ethnique
et réprime ce délit de la peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000
euros d’amende ».
« Un décret de 1991 autorise les renseignements généraux à enregistrer des
informations sensibles, comme par exemple les caractéristiques physiques
d’une personne, mais pas ses origines raciales », précise-t-on à la Commission
nationale informatique et liberté (Cnil). Sollicités, les renseignements
généraux n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
Cette plainte intervient alors même que le débat s’est intensifié
dernièrement sur la question des statistiques « ethniques ». Le ministre de
l’intérieur Nicolas Sarkozy a publiquement souhaité, en février dernier,
que les statistiques de la police puissent faire apparaître, au nom de la «
transparence », l’origine des délinquants. Plus récemment, des chercheurs
ont appelé à un assouplissement de la loi.
Dans une note du 31 juillet dernier, le centre d’analyse stratégique estime
ainsi que l’interdiction d’utiliser des données à caractère racial bride,
notamment, la recherche sur les ségrégations à l’école ou en matière de
logement. Le principe de l’interdiction n’est cependant pas intangible.
Autorisations ponctuelles de manier des données ethniques
La Cnil accorde ainsi ponctuellement
l’autorisation de manier des données ethniques, en raison de l’intérêt
public d’une étude et à condition notamment de recueillir expressément
l’accord des intéressés. « Nous sommes de plus en plus saisis de demandes
de cet ordre », assure-t-on à la Cnil. Dernier exemple en date : la commission
vient de donner son feu vert à une enquête de l’Ined portant sur
l’intégration des descendants d’immigrés turcs et marocains, basés sur un
échantillon sélectionné à partir de la consonance du nom et du prénom
d’abonnés du téléphone.
« Aller au-delà de ces autorisations ponctuelles, c’est forcément
dangereux, assure Samuel Thomas. Nous n’avons pas besoin de fichiers
ethniques. Les chercheurs peuvent déjà utiliser le critère, autorisé, de
lieu de naissance des parents. Quant à la discrimination raciale, nous
n’avons pas besoin de fichiers pour la mesurer et lutter contre. Les
fichiers de cet ordre n’ont jamais servi à la combattre, mais toujours à
l’amplifier. »
A l’appui de sa plainte, SOS Racisme précise que plusieurs sites d’extrême
droite ont fait leur miel des informations publiées par Le Monde,
organisant même des forums débats dont l’un a pour titre évocateur « Enfin
les tabous sautent ! ».
Emmanuelle RÉJU
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