DISCRIMINATION
Ils avaient refusé de louer à un Ivoirien
Deux agents immobiliers parisiens relaxés
«au bénéfice du doute»
C. G.
[06 avril 2005]
La discrimination raciale, unanimement condamnée, reste dans les faits bien difficile à prouver. Hier, le tribunal correctionnel de Paris a ainsi relaxé «au bénéfice du doute» deux employés d'une agence immobilière parisienne soupçonnés d'avoir refusé un appartement à un noir.
Florentin Kouamé, Ivoirien de 52 ans, voulait louer un quatre-pièces. Mais
lorsqu'il avait appelé Annie Garnier, la gérante de l'agence Cheuvry, dans le
XVe, celle-ci lui aurait répondu : «Le propriétaire ne veut pas
louer aux gens de couleur.» Puis son collègue Renaud Dailly (par ailleurs
fils du gérant de l'agence alors en stage) avait ajouté : «Le propriétaire
loue à qui il veut. Nous, on n'est pas raciste.»
Lors du procès, le 22 février dernier, les deux prévenus avaient contesté cette
version. En revanche, ils s'étaient montrés plus prolixes durant l'enquête. À
l'époque, Renaud Dailly avait reconnu les pressions racistes d'un certain
nombre de propriétaires : «S'ils ne veulent pas de locataire de couleur, on
refuse poliment une location à un étranger et, s'il est trop insistant, on lui
dit la vérité.» Le représentant du parquet, Laurent Zuchowicz, avait requis
une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende.
Dans son jugement, le tribunal n'a pas suivi ces réquisitions, indiquant
qu'aucun tiers n'avait «été témoin des motifs du refus opposés à la partie
civile». Par ailleurs, a-t-il souligné, une autre cliente également
d'origine ivoirienne «et habituée de l'agence a indiqué avoir obtenu une
location à chaque fois qu'elle avait contacté celle-ci et y être toujours bien
reçue».
Florantin Kouamé n'a guère accepté ces arguments, regrettant, amer, que la
justice «couvre des gens». L'association SOS-Racisme, qui s'était portée
partie civile se dit, elle, inquiète : «Comment peut-on espérer faire
reculer les pratiques discriminatoires quand, même dans un cas avéré, le
tribunal refuse de condamner», a regretté Samuel Thomas, le vice-président
de l'association. «Il semble que les juges aient du mal à sanctionner des
personnes qui ne sont pas racistes, même lorsqu'elles contribuent à la
discrimination.» SOS-Racisme va maintenant faire appel.
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