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Tours : le jugement qui ouvre une porte

Vendredi, 21 Mai, 1999
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Après la condamnation du Pym's, boîte raciste de Tours, en avril, rencontre avec les vainqueurs de ce procès et une jeunesse galvanisée par ce jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après la condamnation du Pym's, boîte raciste de Tours, en avril, rencontre avec les vainqueurs de ce procès et une jeunesse galvanisée par ce jugement.

 

Tours : le jugement qui ouvre une porte

Après la condamnation du Pym's, boîte raciste de Tours, en avril, rencontre avec les vainqueurs de ce procès et une jeunesse galvanisée par ce jugement.

De notre envoyé spécial

à Tours.

Ce mercredi après-midi, Nabil Marzouk et Mohamed Latrach se retrouvent au centre-ville de Tours, un carton de tracts à la main, en compagnie de Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme, venu pour monter avec eux la nouvelle équipe de l'association sur Tours. Ils ont le sourire : la semaine précédente, ils ont gagné leur procès en discrimination contre le Pym's, boîte de nuit du centre-ville. Nabil, vingt-cinq ans, ambulancier, se souvient de sa première plainte contre une boîte, déposée déjà avec Mohamed. Elle avait été enterrée. Puis ils se sont adressés à SOS-Racisme qui leur a répondu : " Vous avez l'énergie ? On a la méthode... "

" Ça a été le Pym's, poursuit Mohamed, mais ça aurait pu être n'importe laquelle. Ce sont toutes les mêmes. On a fait ça pour tous les autres jeunes. Ce n'est qu'un début : se faire refuser un boulot, c'est bien pire que de ne pas pouvoir entrer en boîte. " La nouvelle, pourtant peu médiatisée, a fait, en quelques jours, le tour de la ville et de la jeunesse de France. À Tours, l'effet de la condamnation du Pym's est enthousiasmant. Dès les premiers tracts distribués par Mohamed et Nabil, les jeunes, qu'ils soient basanés, noirs ou blancs s'arrêtent, discutent.

Frêle et tirée à quatre épingles, Zineb, dix-neuf ans, parle doucement, mais son regard brille. Non seulement elle était au courant, mais elle s'était déplacée pour venir assister au procès du Pym's. Elle qui n'était jamais entrée dans un palais de justice, qui n'avait jamais participé à une manifestation, était pourtant là, parmi les quelque deux cents jeunes silencieux qui avaient investi le tribunal de grande instance de Tours pour soutenir les quatre plaignants, Nabil, Mohamed, Omar et Saïd. " J'étais sur place, contre ce racisme que je subis quotidiennement. Depuis des années, j'accumule, mais un jour je vais exploser, explique-t-elle. J'aurais dû faire ça avant, surtout pour les stages. On m'a dit un jour : " Pour le boulot, vous les filles maghrébines, vous n'êtes bonnes à rien. " Ça me met hors de moi. " Dix mètres plus loin, deux de ses copines sont en train de réfléchir : comment réussir à piéger les coiffeurs qui refusent des stages aux jeunes d'origine maghrébine ?

Les uns après les autres, les jeunes passants racontent leurs samedis soirs " gâchés pour rien ". Deux Beurs passent, rigolards : " Nous, on va aller au Pym's samedi soir. On verra bien s'ils nous laissent entrer ! ". Une jeune Black raconte qu'on lui a refusé l'entrée d'un cabaret : " C'est une soirée rock, reviens quand on fera une soirée rap. " Yanis, dix-huit ans et un visage de tendre sous sa casquette, lui, raconte que le week-end dernier, un videur lui a dit, avec un geste accusateur : " Toi, tu n'entreras jamais. " Une autre fois, ailleurs, un videur lui a confisqué sa carte d'identité (française, faut-il le préciser ?), et ne la lui a rendue qu'au petit matin. " Bien sûr, c'était illégal, mais je lui ai filé ma carte. Je ne risquais pas d'ouvrir ma gueule, sinon j'allais devoir sortir, et fini la soirée... "

Pas un des jeunes qui n'ait immédiatement saisi l'importance du fait, même si certains auraient voulu que la boîte soit condamnée à la fermeture. La justice a soudain repris tout son sens, et les boîtes du coin risquent d'avoir bien du mal à continuer à filtrer leur public au faciès. Comme l'affirme gravement Laetitia, étudiante de vingt-cinq ans, " la prochaine fois que j'assiste à ça, en boîte, je ne le laisserai pas passer ". Il y a quinze jours, un jeune d'origine saoudienne a porté plainte, après avoir été refusé... au Pym's à nouveau.

François Carrel

 

Article paru dans l'édition du 21 mai 1999.

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