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Paris la nuit est toujours une fête

Vendredi, 29 Décembre, 2006
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On la dit sans éclat ni fantaisie, comparativement à ses cousines londonienne, berlinoise ou barcelonaise. La nuit parisienne serait morte, il y a cinq, dix, vingt ou trente ans... En fait, la nuit parisienne se porte bien. Mais elle a changé de visage. Ainsi, le 16 décembre, trois mille personnes se ruaient à la première soirée publique du Showcase, nouveau lieu de la nuit à Paris installé sous le pont Alexandre III, dans un ancien hangar à bateaux.

Paris la nuit est toujours une fête

LE MONDE | 29.12.06 | 18h36  •  Mis à jour le 29.12.06 | 21h28

 

On la dit sans éclat ni fantaisie, comparativement à ses cousines londonienne, berlinoise ou barcelonaise. La nuit parisienne serait morte, il y a cinq, dix, vingt ou trente ans... En fait, la nuit parisienne se porte bien. Mais elle a changé de visage. Ainsi, le 16 décembre, trois mille personnes se ruaient à la première soirée publique du Showcase, nouveau lieu de la nuit à Paris installé sous le pont Alexandre III, dans un ancien hangar à bateaux.

 

Plateau de DJ attirant, atmosphère suffocante, endroit hors norme et nouveaux usages : "On a vraiment senti qu'une autre génération était arrivée, racontent Fabrice Desprez et Olivier Pilz, de l'agence Phunk, chargée de la communication de cette soirée. Il y avait un mélange de look rock, rap, électro et des gamins qui fonctionnent musicalement comme leur iPod (baladeur numérique) : à toute vitesse et en mode aléatoire."

Les traditionnelles discothèques, les boîtes, sont toujours là. On en recense plus de deux cents à Paris, "chiffre stable depuis trente ans", selon Bernard Quartier, vice-président de la branche discothèque de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière (UMIH). Mais les "lieux de nuit", eux, ont connu "une nette augmentation", en dépit d'une législation de plus en plus contraignante contre les nuisances sonores ou les fumeurs (des questions qui seront au coeur du Salon des professionnels de la nuit, le SIEL, du 11 au 14 février, à Paris).

La plupart de ces lieux sont "ciblés, on y retrouve des gens dont l'univers est commun", autrement dit, des réseaux qui peuvent être sélects, étudiants, technos, hip-hop, branchés, gays... L'heure est à l'offre "globale", aux lieux multiples, restaurant-bar-club, un concept que l'on retrouve à L'Alcazar, version cosy, à La Bellevilloise, version alternative ou à L'Etoile, version huppée. Cette tendance est héritée de la vague "lounge", rebaptisée "afterwork" (après le travail), qui permet de sortir tôt et de poursuivre tard sa soirée.

Propriétaire depuis sept ans de L'Etoile, restaurant avec vue sur l'Arc de triomphe, un club en dessous avec jardin, Tony Gomez y voit une façon "d'installer un climat". L'Etoile fait partie de ces établissements très médiatisés, à la sélection drastique afin de "protéger notre clientèle - des hommes d'affaires, des célébrités - qui veulent s'amuser en toute tranquillité".

UN SUCCÈS DU CLUBBING GAY

Les nuits ont ainsi remplacé la nuit, devenue soirée, itinérante, exceptionnelle, régulière ou éphémère. " C'est une tendance lourde des dix dernières années, constate Edouard Rostand, chroniqueur pour le gratuit A nous Paris et animateur de la communauté Nuit sur le site MySpace. On ne fréquente plus un lieu, mais une soirée organisée et proposée "clés en main" - avec DJ, fichier clients, sécurité, équipe de bar - par un producteur, dans un lieu loué pour l'occasion." C'est le cas du Bataclan "dont la nuit n'est pas le coeur du métier", admet son administratrice, Barbara David. La salle de concert réserve ainsi deux samedis aux soirées Follivores, un succès du clubbing gay depuis dix ans, deux autres aux soirées Spray et bientôt à Phunk Circus, produites par Filipe Alves, en collaboration avec Phunk Promotion. La concurrence des producteurs à obligé les discothèques se "mettre à la page", selon Bernard Quartier, de l'UMIH.

Le bouche-à-oreille a été remplacé par la communication "virtuelle". Les sites Internet consacrés au clubbing, cette culture de la sortie nocturne née aux Etats-Unis avec la mode disco, se sont multipliés : Parisbouge, Lemonsound, Tillate, Nightfloor, Soonnight... Ces sites sont les reflets d'une nuit populaire, à destination des 18-25 ans, hébergée dans les grands clubs de la capitale : le Queen, le 287, le Red Light ou le Mix. Musicalement, la house, la techno ou le R & B dominent, menés par des DJ connus, tels Bob Sinclar, Antoine Clamaran, Joachim Garraud. Les invitations sont lancées par courriel ou SMS. On réserve sa bouteille à l'avance auprès du directeur artistique ou du physionomiste à l'entrée, qui communiquent leur numéro de téléphone portable à tout le réseau. "Une façon de personnaliser une nuit industrialisée", explique Valéry, treize ans de "porte" dans divers clubs parisiens, et aujourd'hui au Mix.

POLITIQUE DE "MEMBRES"

Il y a aussi des petits clubs qui participent à l'émergence de courants musicaux. C'est le cas du Rex Club, du Nouveau Casino, du Triptyque ou de la Flèche d'or. Concerts et DJ pointus s'y succèdent. L'image de chaque lieu est davantage liée à la programmation musicale qu'à sa clientèle, qui mêle fêtards et mélomanes. Mais il s'agit pourtant de la fidéliser, via une politique de "membres", nouvelle pour ces lieux, mais qui porte ses fruits, explique Fabrice Gadeau, du Rex. La nuit s'est aussi professionnalisée depuis quelques années, estime Geoffroy Sebline, directeur commercial du groupe Octopussy, propriétaire de six établissements parisiens (Les Planches, Regine's, Le Milliardaire, Le Madeleine Plaza, La Galerie, Le 287).

Aux Planches, un établissement fréquenté par la jeunesse dorée, il a lancé "un produit supplémentaire" s'adressant aux 14-16 ans : un clubbing pour ados, jusqu'à 23 heures, sans alcool ni adultes - hormis le personnel. Les parents peuvent louer la salle au tarif de 3 588 euros... Une sortie rassurante et très classique, au regard de la diversité de l'offre nocturne d'aujourd'hui.

Parfois, le phénomène est inversé, comme au Paris Paris, dont la réputation de club branché, avant son ouverture, a attiré les groupes et DJ en vogue, qui acceptent d'y jouer désormais pour presque rien. On s'y presse, mais la sélection à l'entrée est sans pitié pour l'ego. Au moins ici n'est-elle pas fondée sur la couleur de peau, problème qui concerne encore trop de discothèques selon SOS-Racisme, même s'il est moins marqué à Paris, ville cosmopolite et touristique, qu'en province, selon Samuel Thomas, vice-président. L'association réclame de sanctionner les contrevenants par une fermeture administrative plutôt que par une simple amende. La loi existe, les lieux de nuit fonctionnent tous grâce à une dérogation spéciale de la préfecture, épée de Damoclès permanente.

Fin octobre, plusieurs producteurs, salles et clubs parisiens ont subi un contrôle des douanes puis de l'inspection du travail le mois suivant. Objet : la "délégation" de licence IV ou V accordée par les lieux loués aux producteurs afin qu'ils puissent vendre des alcools forts. Une tolérance révolue. La nuit, comme la restauration, est aussi coutumière du travail au noir.

 

Odile de Plas

Article paru dans l'édition du 30.12.06

 

 

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