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Discrimination. Un débat biaisé sur la discrimination positive

Mercredi, 14 Janvier, 2004
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Samuel Thomas: " La réussite d’une entreprise ne peut pas se faire sans prendre en compte la richesse de la "nouvelle génération"

La nomination d’un préfet issu de l’immigration n’a pas grand-chose à voir avec la discrimination positive et elle oblitère les inégalités sociales.

 

 

Discrimination. Un débat biaisé sur la discrimination positive

La nomination d’un préfet issu de l’immigration n’a pas grand-chose à voir avec la discrimination positive et elle oblitère les inégalités sociales.

Aïssa Dermouche, nommé préfet " issu de l’immigration " ce matin par la grâce du président de la République, ne sera pas le premier préfet répondant à ce critère, pas plus que Nicolas Sarkozy n’est le premier ministre qui en prenne l’initiative. Une interrogation subsiste : que fera-t-il qui pourrait le différencier des autres hauts fonctionnaires d’État à ce poste ? Il est facile de répondre " rien " à cette question, compte tenu de son parcours. Les choix gouvernementaux ne varient pas au gré des préfets en place, surtout quand ils sont au mieux avec le patron du MEDEF. Le seul intérêt de la polémique réside dans le fait que, pour la première fois, un ministre de la République ait pu s’autoriser à faire référence à la sphère privée (l’appartenance ou non à une idéologie religieuse) pour mener le débat, avec une entorse grave au principe de la laïcité de l’État.

Comme si Sarkozy était devenu ministre parce qu’il était catholique. Mais la dérive de ce ministre en dit long sur sa vision du monde et sur ce à quoi il réduit la " discrimination positive " ; même s’il fait ainsi l’aveu de fait qu’il existe des discriminations évidentes dans le recrutement de la haute fonction publique. " Afficher comme critère de compétence une religion, c’est ouvrir une boîte de Pandore au communautarisme, dénonce le secrétaire général du MRAP, Mouloud Aounit. C’est une logique infernale. Avec, en outre, une confusion mentale grave entre l’appartenance religieuse et l’origine territoriale des parents et, donc, une logique d’amalgame. "

On en arrive ainsi naturellement à la politique des quotas : recenser les gens selon leur couleur, la nationalité de leurs parents à tel ou tel degré, leur religion, puis les trier, les répartir... " Ce n’est pas la peine d’étiqueter les gens pour savoir que les discriminations existent et qu’il faut prendre des mesures pour les supprimer, ajoute Mouloud Aounit. La France plurielle n’est pas représentée à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas besoin d’étiquetage pour le savoir. "

Si le fond du problème est de réduire les inégalités d’accès à l’emploi, au logement, à la formation, à la culture, un préfet de plus ou de moins ne sert à rien quand le gouvernement rogne de façon drastique sur tous les budgets, de l’Éducation aux Affaires sociales et continue à justifier la fermeture aux étrangers de près de sept millions d’emplois dans la fonction publique. Sans compter ceux qu’il interdit aux enfants français de parents nés à l’étranger dans les entreprises liées au " secret défense ". Comment s’étonner que ces personnes, diplômées de bac plus cinq à dix, s’expatrient en Grande-Bretagne ?

" Si l’on veut réduire les inégalités, il faut donner plus à ceux qui ont le moins, conclut Mouloud Aounit. Il faut donner plus à ceux, issus de certaines couches de la société française, qui n’ont pas accès à la formation, par exemple, dans des conditions normales. À des populations défavorisées, sur des critères sociaux. Tout en veillant, ensuite, au respect de la reconnaissance de cette citoyenneté. " Autre association sur le terrain de la lutte contre les discriminations, SOS-Racisme, par le voix de son vice-président, Samuel Thomas, rejette aussi l’approche gouvernementale. " La réussite d’une entreprise ne peut pas se faire sans prendre en compte la richesse de la "nouvelle génération", qui n’a que son énergie pour s’en sortir. Il lui suffit de s’engager contre la discrimination. On ne peut légitimer la discrimination positive sur le handicap. En donnant quelques places à des personnes issues de l’immigration, la société s’exonère de la situation dans laquelle elle laisse tous les autres et se sert de ces quelques-uns pour démontrer que le système est bon. Comme cela se passe en Grande-Bretagne. Les classes populaires représentent la majorité dans la société, et ce ne sont pas quelques-uns, issus de l’immigration ou non, qui vont compenser le déficit. Le rattrapage à faire n’est pas de l’ordre du symbolique. L’origine sociale des personnes qui sont dans les institutions représentatives ou dirigeantes du pays est en trop fort décalage avec celle des gens en général. Les élites se reproduisent. Outre que les "quotas" supposent de trier les gens, ils supposent que l’on n’occupe une fonction en non en vertu de ses compétences mais en vertu de ses origines. Cela instaure un système qui entérine la logique raciste. "

Comme le fait remarquer le directeur de l’Observatoire du communautarisme, François Devoucoux du Buysson : " Les inégalités existent, mais elles sont avant tout économiques. Elles touchent en priorité les couches sociales les plus fragilisées par l’insécurité sociale et les distorsions du savoir et de la culture, qui, c’est un fait, frappent en priorité les étrangers et leurs enfants. Et redonner à l’école son rôle dans la réduction de ces injustices criantes, obliger les entreprises à appliquer la loi dans le strict respect de l’égalité des chances, demande à la fois des moyens considérables, une volonté de fer et un courage politique hors du commun. " À bon entendeur...

Émilie Rive

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