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Les mots de Frêche devant le tribunal

Vendredi, 1 Décembre, 2006
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15 000 euros d'amende ont été requis contre le président du Languedoc-Roussillon, jugé pour injure raciale envers les harkis.

Les mots de Frêche devant le tribunal

15 000 euros d'amende ont été requis contre le président du Languedoc-Roussillon, jugé pour injure raciale envers les harkis.

Par Pierre DAUM

QUOTIDIEN : vendredi 1 décembre 2006

Montpellier de notre correspondant

Georges Frêche avait assuré qu'à son procès «95 % des harkis de la région» viendraient témoigner qu'il n'est «pas raciste». Mais ils n'étaient pas là, hier, alors que le président de la région Languedoc-Roussillon devait comparaître pour injure devant le tribunal correctionnel de Montpellier. Georges Frêche n'a pas, lui non plus, fait le déplacement. Il était poursuivi par avoir, le 11 février 2006, insulté des harkis ayant participé à une manifestation de l'UMP : «ils [les gaullistes, ndlr] ont massacré les vôtres en Algérie et vous allez leur lécher les bottes ! Mais vous êtes des sous-hommes, vous n'avez aucun honneur». 

Sur les sept personnes venues apporter leur soutien au «président», une seule pouvait en fait se prévaloir d'un lien avec le monde des harkis : Tatiana Capuozzi-Boualam, que Frêche a fait élire en 2001 conseillère municipale de Montpellier : «Georges Frêche a toujours mené une politique de qualité envers les harkis, a-t-elle témoigné à la barre. Il leur a donné des postes, notamment comme aides forestiers au zoo de la ville. Et quand ces hommes prennent leur retraite, leurs fils peuvent récupérer le poste.» A la barre du tribunal, le défilé des témoins de moralité était aussi une assez bonne présentation du système clientéliste de l'élu local : un leader pied-noir, un militant homosexuel, un universitaire, un recteur de mosquée, etc. Hussein Bourgi, président du Collectif contre l'homophobie, embauché à la mairie par Georges Frêche en 2002, a longuement expliqué combien son parrain politique «a toujours eu un engagement très ferme dans le soutien de la cause homosexuelle», avant d'évoquer une discussion privée lors de laquelle Georges Frêche «avait rendu un hommage appuyé aux tirailleurs sénégalais». Le recteur, lui aussi salarié de la mairie, a remercié son tuteur d' «avoir offert une très grande mosquée aux musulmans». Le pied-noir enfin a rappelé que le député Frêche «avait toujours voté au Parlement les lois en faveur des rapatriés, et même souvent contre son propre camp». 

«Humanisme». Pour la défense de Georges Frêche, le témoignage le plus précieux était celui de Michel Miaille, professeur émérite de l'université de droit de Montpellier et président de la Cimade du Languedoc (organisation caritative protestante) depuis 1996. «Nous sommes collègues à l'université depuis trente ans. Tout me permet de dire que sa posture relève de cet humanisme indispensable à la fonction d'universitaire.» Il y a un an, Georges Frêche a offert à son collègue qui venait de prendre sa retraite deux postes prestigieux : celui de président du festival Montpellier Danse et celui du comité scientifique d'un futur musée de l'Algérie française. Michel Miaille a accepté le premier, mais a été contraint de refuser le second, sous la pression de ses frères et soeurs maçonniques. Il y a deux jours, la direction nationale de la Cimade, apprenant qu'il allait plaider en faveur de Georges Frêche, a exigé sa démission.

La présidente du tribunal, Michèle Monteil, a lu une lettre envoyée par M. Frêche : ce dernier a souligné avoir été «copieusement qualifié de cocu et de connard», lors de la cérémonie . «Le terme de "sous-homme" est sorti sur la colère, je voulais dire "minus" ou "minable"» . Ce 11 février, il a voulu «défendre l'honneur de la communauté harkie», mis à mal par une poignée d'entre eux, proche de l'UMP . 

«Indigène». Mais, hier, les harkis, étaient du côté des plaignants. Deux heures avant l'ouverture des débats, une dizaine de vieux «soldats musulmans de la France», épaulés par autant de veuves, et entourés par une bonne centaine d'enfants de harkis, s'étaient rassemblés devant les portes du tribunal. « Mon grand-père a combattu en 39-45 pour libérer le sol français des nazis. C'était un soi disant "indigène", comme dans le film», rappelle Abdelkader Chebaiki, l'homme qui avait provoqué la colère de Frêche. Une vieille femme ajoute : « Ici, tout le monde excuse Frêche en disant qu'il a fait beaucoup pour le développement de Montpellier. Mais Hitler aussi a beaucoup construit en Allemagne. Ça ne l'a pas empêché d'être raciste !»

Reconnaissant qu'il s'agissait d' «injures racistes envers toute la communauté harkie», le procureur a requis hier soir une peine d'amende de 15 000 euros avec diffusion de la condamnation dans la presse.

«Le terme de sous-homme est un propos intolérable pour tout le monde, et pour monsieur Frêche en premier lieu. Il l'a d'ailleurs retiré. Mais dire que ces propos sont une injure raciale constitue un viol pur et simple de la vérité !». Comme d'habitude, c'est André Ferran, figure très théâtrale du barreau montpelliérain, qui assurait la défense de Georges Frêche. Une défense essentiellement politique. «La façon dont monsieur Clément, ministre de la Justice, a tout de suite considéré qu'il y avait infraction constitue un véritable scandale judiciaire !».  «Ces propos, détournés de leur sens, sont devenus l'objet d'une instrumentalisation éhontée par le droite. Comme Georges Frêche est irréprochable sur sa politique, qu'il n'a jamais détourné 1 euros, on l'attaque là-dessus ».

L'avocat a ensuite énuméré de façon exhaustive toutes les interventions du député Georges Frêche en faveur des harkis, lorsque l'élu socialiste siégeait à l'Assemblée. Résultat : au moins cinq intervention en 15 ans, preuve de «l'intérêt constant que mon client a toujours porté à cette communauté ». En guise d'ultime argument de l'innocence de son client, André Ferran a rappelé dans tous ses détails la fameuse scène d'un dîné électoral à Orléans (en 1981 ????), lors duquel Jacques Chirac avait stigmatisé le «bruit et les odeurs» des familles africaines. «Et aucun juge ne l'a condamné ! ».

Le jugement sera rendu le 25 janvier.



http://www.liberation.fr/actualite/politiques/220539.FR.php

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