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Le racisme peut coûter cher

Jeudi, 16 Septembre, 2004
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La propriétaire ne voulait pas vendre à un " Arabe ", sa condamnation est un exemple pour les agences immobilières tentées de cautionner les desiderata de leurs clients.


Journal l'Humanité
Rubrique Société
Article paru dans l'édition du 16 septembre 2004.

 

 

 

Discrimination
Le racisme peut coûter cher

La propriétaire ne voulait pas vendre à un " Arabe ", sa condamnation est un exemple pour les agences immobilières tentées de cautionner les desiderata de leurs clients.

En juillet 2003, Hamida Brahmia, né à Voiron, en Isère, et Audrey, sa femme, découvrent un terrain à bâtir qui leur convient dans le Voironnais. C’est le coup de foudre. L’agence Guy Hoquet affiche 129 580 euros. Le terrain n’étant pas viabilisé, Hamida propose 125 000. Il a, pour son projet global, 350 630 euros disponibles. " L’aspect financier n’était donc pas un problème ", précise-t-il. Partant en vacances, il s’organise avec l’agence pour une signature séparée. L’agent immobilier, Roger Bidaud et son stagiaire, Philippe Dos Santos, reçoivent Sylviane Sarret, la propriétaire, qui leur demande l’origine du nom de l’acheteur. " Je pensais qu’elle demandait cela par curiosité, expliquera Roger Bidaud. J’ai répondu que je ne savais pas, peut-être Tunisien ou Algérien. Et elle répond : " Mais, c’est un Arabe ! Non, non. Je ne vends pas à un Arabe. J’ai eu des problèmes de voisinage avec un Algérien. Ces gens-là, ils sont bien gentils au début, mais, après, ils foutent la merde. "

Pour tenter de l’amadouer, l’agent demande une attestation et une photo du mariage du couple. Sans succès. Mais Hamida Brahmia connaît sur le bout du doigt le droit des affaires, c’est son métier. " Quand il y a accord sur la chose et le prix, on ne peut refuser la vente. " Sylviane Sarret accepte de signer si la surface est réduite de 100 m2 et si la signature se fait de visu, mais elle ne vient pas au rendez-vous et précise ensuite qu’elle retire son terrain de la vente. L’agent immobilier n’en peut plus : " Ces gens-là n’ont même pas de parole. Si vous attaquez en justice, dit-il à Hamida, je témoignerais de tout ce qui c’est passé et mon stagiaire aussi. " L’avocat du jeune homme adresse à la propriétaire une lettre l’avertissant que deux plaintes risquent d’être déposées, l’une pour refus de vente, l’autre pour discrimination raciale. Finalement, le jugement sur le fond du refus de vente, en février, la condamne à signer le premier compromis de vente, à payer les frais d’avocat de 1 200 euros, et à signer l’acte authentique dès que le permis de construire sera obtenu sous astreinte de 3 000 euros par mois passé. Elle refuse un arrangement à l’amiable et fait appel. Du coup, Hamida Brahmia porte plainte pour discrimination raciale, SOS Racisme et le MRAP sont partie civile. Le jugement a été rendu mardi : la propriétaire est condamnée à quatre mois de prison avec sursis. Elle doit payer 10 000 euros au couple, plus, en dommages et intérêts, 1 500 euros à Hamida et 500 euros à Audrey. Les associations ont obtenu 1 050 euros chacune. La condamnation doit être publiée dans le journal professionnel de la Fédération nationale des agences immobilières.

" La condamnation est celle que l’on applique d’ordinaire aux délinquants, aux bandits, aux mafieux, aux trafiquants de drogue, exulte Samuel Thomas, de SOS Racisme. Elle est prononcée au nom de la République à l’égard de ceux qui mettent en péril la sécurité des individus ou du pays. Il était temps que les juges appliquent des sanctions qui soient plus proches de ce que prévoit le Code pénal que de ce qu’ils appliquaient jusqu’à présent. " La publication dans la presse professionnelle est aussi une victoire. " Nous sommes d’autant plus satisfaits que le syndicat des propriétaires avait refusé de faire la publicité de la brochure éditée à la demande de Gilles de Robien, à la suite du rapport commandé par le gouvernement à SOS Racisme contre les discriminations dans le logement. Le président du syndicat, qui est député UMP de Moselle, nous avait répondu que les propriétaires avaient le droit de choisir comme ils voulaient. Ce jugement lui prouve que non. "

Émilie Rive

 

 

 

Page imprimée sur http://www.humanite.fr
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