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Violence, bêtise et préjugés

Mercredi, 8 Mars, 2006
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Montée du racisme et de l'antisémitisme en France? L'agression contre trois jeunes juifs, à Sarcelles, relance la question

mercredi 8 mars 2006, mis à jour à 08:18

Meurtre d'Ilan Halimi

Violence, bêtise et préjugés

Boris Thiolay, Claire Chartier, Marie Huret

 

Sinistres effets de mimétisme ou prémices d'une nouvelle poussée d'antisémitisme? Les agressions contre trois jeunes juifs, les 3 et 4 mars à Sarcelles (Val-d'Oise) - au moment où Youssouf Fofana, le «cerveau» du «gang des Barbares», était ramené en France pour être présenté à la justice - suscitent inquiétude et interrogations. Alors que, pour la première fois après cinq années de forte hausse, les actes et menaces antisémites ont baissé de 47% de 2004 à 2005, on assiste, depuis la fin de la crise des banlieues d'octobre-novembre 2005, à une persistance des tensions et des violences à caractère raciste, et notamment contre les juifs.

«Les circonstances de la mort odieuse d'Ilan Halimi, très médiatisées, ont pu donner des idées à des jeunes totalement déstructurés, explique François Pupponi, maire (PS) de Sarcelles. Mais on assiste aussi à un phénomène nouveau, celui des agressions racistes gratuites: une personne se fait frapper dans la rue uniquement parce qu'elle est juive, noire, blanche, arabe...» Dans cette ville symbole de la cohabitation de communautés [92 ethnies recensées], une trentaine d'agressions à caractère raciste ont été signalées, ces derniers mois. La plupart contre des juifs.

«On croyait à un calme relatif. Mais là, je crains que l'on ne connaisse une nouvelle radicalisation dans les banlieues», déplore Patrick Gaubert, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). «Ce qui s'est passé à Sarcelles n'est pas forcément lié à l'arrestation de Fofana. Mais tout cela traduit la conjonction de deux dérives: la banalisation du racisme et celle de la violence», relève de son côté Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme.

Selon un récent sondage, 69% des Français estiment que le racisme est en augmentation dans le pays et 57% d'entre eux disent percevoir une montée de l'antisémitisme. La nature même du ressentiment antijuif a changé. Si l'antisémitisme «viscéral» semble en recul, l'antisémitisme de stéréotypes, fondé sur les préjugés, la défiance et les clichés immémoriaux, s'exprime plus facilement. C'est parce qu'il pensait que «les juifs ont de l'argent» et qu'ils peuvent se cotiser pour payer une rançon que Youssouf Fofana a programmé, entre autres enlèvements ou tentatives, celui d'Ilan Halimi. Parmi les jeunes de banlieue, l'antisémitisme peut également provenir de la jalousie provoquée par l'intégration réussie des juifs dans la société française. Ils sont considérés comme «favorisés» et «mieux traités». «On se croirait revenu à une forme de lutte des classes, mais sans idéologie, une lutte des classes ethnico-religio-raciale, observe Esther Benbassa, spécialiste du judaïsme, qui coorganise avec Jean-Christophe Attias, du 19 au 26 mars, Le Pari(s) du vivre-ensemble, une semaine de dialogue et de lutte contre les discriminations. Pour certains jeunes, le juif, c'est l'Autre. Ils se disent: “Pourquoi je taperais pas sur lui, s'il a plus que moi? ”» Une autojustification sordide qui peut tuer.

 

 
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