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Etranger, tu n'es pas le bienvenu chez Connexion

Vendredi, 26 Janvier, 2001
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Samuel Thomas: «Ce genre de discrimination est extrêmement répandu. Ce directeur n'est pas le seul à donner ce genre de conseil à ses salariés, expliquait hier à l'audience, mais il est rare qu'ils l'écrivent noir sur blanc.»

Que des directeurs de magasins recommandent verbalement à leurs vendeurs de se méfier des étrangers se produit parfois, qu'ils l'écrivent noir sur blanc est plus rare. C'est pourtant ce qu'a fait Raymond Jeunot, directeur du magasin Connexion d'Exincourt dans le Doubs. Et c'est ce qui lui a valu de se retrouver hier devant le tribunal de police de Montbéliard pour «provocation non publique à la discrimination en raison de l'origine, l'ethnie, la race ou la religion».

Etranger, tu n'es pas le bienvenu chez Connexion
Un directeur de magasin du Doubs jugé pour discrimination.

Par CATHERINE COROLLER

Le vendredi 26 janvier 2001

Montbéliard (Doubs) envoyée spéciale

Que des directeurs de magasins recommandent verbalement à leurs vendeurs de se méfier des étrangers se produit parfois, qu'ils l'écrivent noir sur blanc est plus rare. C'est pourtant ce qu'a fait Raymond Jeunot, directeur du magasin Connexion d'Exincourt dans le Doubs. Et c'est ce qui lui a valu de se retrouver hier devant le tribunal de police de Montbéliard pour «provocation non publique à la discrimination en raison de l'origine, l'ethnie, la race ou la religion».

«En éveil». Dans une note sur les paiements par chèque envoyée à ses salariés en même temps que le bulletin de salaire de juillet 2000, Raymond Jeunot recommandait en effet à son personnel, «et principalement les vendeurs», de «faire très attention lorsque le client est domicilié hors d'un certain périmètre, hors de Franche-Comté par exemple». Et d'être «encore plus en éveil vis-à-vis des étrangers ou gens de couleur» car «ceux-ci sont encore mieux organisés pour nous rouler (certains bien sûr)».

Clairement visé. Lorsque Matthieu Faisans, le compagnon de Sarah Torregrossa, elle-même employée de Raymond Jeunot, est tombé sur la note, il a été ulcéré. «J'ai trop souffert de ça, je ne pouvais pas laisser passer», racontait-il hier à l'audience. Vu la couleur de sa peau, le jeune homme, né en Guadeloupe, s'est senti clairement visé. «Ça veut dire que si moi j'arrive chez Connexion, les gens vont se mettre en garde», a-t-il expliqué au juge.

Début août, Matthieu Faisans dépose donc plainte et prévient le même jour SOS Racisme. L'association décide de se porter partie civile. «Ce genre de discrimination est extrêmement répandu. Ce directeur n'est pas le seul à donner ce genre de conseil à ses salariés, expliquait hier à l'audience Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme, mais il est rare qu'ils l'écrivent noir sur blanc.» Résultat: en cas de problème, les employés se retrouvent seuls devant les tribunaux. «D'ordinaire, les procès ont lieu contre des subalternes, confirme Samuel Thomas. Si un employé de M. Jeunot avait refusé une vente, nous l'aurions poursuivi pour discrimination. Mais il est rare qu'on ait l'occasion d'avoir le donneur d'ordre en face de nous.» Cette dernière formule est une image puisque Raymond Jeunot ne s'est pas présenté à l'audience.

Pour sa défense, le directeur du magasin Connexion avait expliqué, lors de son audition par la police, que «la lettre avait été faite dans l'urgence suite à des problèmes de chèques impayés», qu'il s'était «mal exprimé» et que «ce n'était pas le message qu['il] voulait faire passer». D'ailleurs, il avait «embauché trois personnes d'origine maghrébine» et il n'avait «jamais eu de problèmes avec ces personnes concernant cette lettre».

Hier, son avocat, Me Jean Surdey, a plaidé la «bourde», la «bévue». «Raymond Jeunot a pondu une note bête», a-t-il tenté de dédramatiser. Mais Me Surdey a également joué les arguties juridiques, affirmant que la note ressortissait des lois sur la presse, ce que rend possible un arrêt de la Cour de cassation, et que la prescription étant dans ce cas de trois mois, l'affaire était donc prescrite.

 

Fin de contrat. Si le droit de la presse ne s'applique pas, en revanche, ce qu'a plaidé Me Tricaud, l'avocat de SOS Racisme, la prescription est d'un an. La provocation non publique à la discrimination n'étant pas un délit, Raymond Jeunot n'est passible de toute façon que d'une contravention de 5e classe. Le procureur, Patrick Cousinard, a requis 3 000 francs d'amende. Et la juge a fixé le jugement au 15 février.

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