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Saint-Claude La lettre qui fait scandale

Vendredi, 23 Avril, 2004
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Samuel Thomas: « Cette lettre n’est pas secrète, elle serait restée dans les archives municipales ou elle était consultable »

Le maire de Saint-Claude, Jean-Louis Millet, a du mal à gérer l’afflux de population turque de sa commune. Il s’en est ouvert par lettre le 1er octobre au ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. Diffusé sur un site Internet, ce courrier est tombé entre les mains de SOS Racisme qui a porté plainte pour « injure publique à caractère raciste ».

  

Saint-Claude
La lettre qui fait scandale



 

 

Le maire de Saint-Claude, Jean-Louis Millet, a du mal à gérer l’afflux de population turque de sa commune. Il s’en est ouvert par lettre le 1er octobre au ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. Diffusé sur un site Internet, ce courrier est tombé entre les mains de SOS Racisme qui a porté plainte pour « injure publique à caractère raciste ».

 

 

le courrier à la lettre

 

Voici le texte de la lettre adressée par le maire de Saint-Claude à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, et datée du 1er octobre 2003, tel que le site internet www.paxeuropa.com l’a publié dès le 22 octobre 2003 sous le titre 'Appel au secours d’un maire face à l’invasion musulmane' (les fautes de d’orthographe dues à la retranscription ont été volontairement conservées).
« Monsieur le Ministre,
Maire d'une commune où l'immigration officielle est donnée pour 18 % de la population mais où, sur le terrain, les ressortissants d'origine étrangère représentent entre 35 et 40 % de la population totale de la ville, dont les ¾ sont de confession musulmane, je suis amené aujourd'hui à lancer un cri d'alarme face à l'afflux continuel et numériquement important de nouveaux arrivants d'origine turque et musulmane.
Ma ville ne peut plus absorber davantage de populations étrangères sans risquer d'une explosion sociale à court terme.
Le chômage s'accroît et notre économie n'est plus en mesure de proposer du travail aux nouveaux venus. Par ailleurs, la non-volonté de s'intégrer (mais au contraire, d'imposer leur culture) de la part d'arrivants qui constitue une immigration de peuplement et non plus de main-d'œuvre, crée des crispations très fortes de la part des populations de souche européenne et de culture judéo-chrétienne.
Cet afflux incessant concerne essentiellement la communauté turque, dont l'économie souterraine criminelle reposant sur le trafic de drogue stimulé par la proximité de la Suisse, est en train de faire des ravages, à travers l'acquisition régulière de tout ce qui peut se vendre dans la ville, colonisant littéralement la cité.
Siégeant au Conseil Municipal depuis 1989, jamais je n'ai noté une telle explosion d'immigration turque que celle constatée sur le terrain depuis 18 mois, n'en déplaise aux statisticiens.
Nous dansons sur un volcan et je redoute les conséquences d'une telle situation.
Nous ne pouvons plus accepter ces arrivées non assimilables, nous ne pouvons plus accepter le port du voile ou du foulard islamique, foulant aux pieds les principes de la république et écrasant notre histoire judéo-chrétienne.
J'en, appelle à des mesures urgentes pour stopper une situation qui m'inquiète et révolte mes concitoyens.
Je vous remercie , Monsieur le Ministre, de bien vouloir prendre la situation de Saint-Claude en considération.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de la haute considération.
J.L. Millet

PS : Je vous ai fait parvenir un courrier parallèle faisant état des pratiques de la communauté turque. »

Dans le second courrier auquel fait référence le post-scriptum ci-dessus, également repris sur le site et intitulé 'Pratiques de la communauté turque', Jean-Louis Millet déplore que ladite communauté « achète appartements, maisons, commerces, parcelles à lotir à une vitesse qui peut faire penser à une véritable « colonisation » de notre cité ». En outre, toujours selon ce courrier, « les acheteurs sont souvent des personnes sans travail ou ayant de bas revenus ne permettant pas de tels achats. En ce cas, d’où vient l’argent ? ». « Quant aux commerces achetés, ils servent parfois de couverture pour un autre genre de commerce ». « Il nous est difficile dans ces conditions d'accepter de voir se réaliser des transferts de propriété qu'un salarié français ne pourra jamais s'offrir par son seul travail ». Et le maire de s’interroger sur les achats « de véhicules de grosse cylindrée avoisinant les 50.000 euros, propriété de personnes sans activité professionnelle ». Il regrette en outre que « les jeunes filles nées chez nous et le mieux intégrées à notre ville repartent toutes entre 18 et 20 ans chercher mari en Turquie, multipliant ainsi les regroupements familiaux ».

 

 

 

 

SOS racisme accuse

 

a lettre que le maire de Saint-Claude a écrite le 1er octobre au ministre de l’intérieur a suscité la colère de SOS Racisme qui a déposé deux plaintes pour injure publique à caractère raciste.
Quand il a posté sa lettre le 1er octobre 2003 à l’adresse du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Millet, le maire de Saint-Claude, ne se doutait sans doute pas qu’elle allait rapidement être diffusée sur un site Internet Paxeuropa dès le 22 octobre. Qu’elle allait susciter un tollé chez une partie de ses administrés de toutes confessions qui se sont constitués en collectif réunissant Attac, l’Association culturelle franco-turque et Cactus. Que SOS racisme allait déposer une plainte avec constitution de partie civile contre X « pour injure publique à caractère raciste, incitation publique à la haine raciale et diffamation publique à caractère raciste ». Dans son courrier dont il a fait une copie au préfet du Jura, le magistrat s’en prend à la communauté turque et parle même de « colonisation ».
SOS Racisme et le collectif considèrent que les propos de l’élu de Saint-Claude sont diffamatoires. L’association anti-raciste a déposé une première plainte le 31 mars par devant le tribunal de grande instance de Lons, une seconde auprès du doyen des juges d’instruction le 16 avril. Elles visent l’édile et les deux sites qui ont mis en ligne la missive. Le maire de Saint-Claude a lui aussi déposé une plainte pour violation du secret de correspondance. « Cette lettre n’est pas secrète, elle serait restée dans les archives municipales ou elle était consultable », estime le vice-président national de l’association anti-raciste, Samuel Thomas. Lequel ne croit guère que le premier édile de Saint-Claude ait eu l’intention de garder son courrier secret. Sinon, souligne le vice-président de SOS, il aurait pu faire arrêter sa diffusion sur le réseau par procédure de référé dès le lendemain de sa mise en ligne le 23 octobre . C’est « une stratégie de défense de la part du maire de Saint-Claude », explique Samuel Thomas. « Cette lettre a été utilisée pour galvaniser le racisme de certains », ajoute-t-il. En toile de fond, les élections du 13 juin. Le premier édile de la sous-préfecture du Haut-Jura envisage d’être en bonne place sur une liste aux élections européennes conduite par le MPF (Mouvement pour la France) dont le thème de campagne est le non à l’entrée de la Turquie dans la communauté européenne.
« Attiser la haine »
Dans un premier temps l’association culturelle franco-turque, dès qu’elle a eu connaissance de ce courrier, a essayé de temporiser. Une rencontre est organisée vendredi 26 mars, à la mosquée d’Etables, en présence du consul de Turquie qui a spécialement fait le déplacement de Lyon pour la circonstance. Jean-Louis Millet a notamment affirmé à l’assemblée que « ceux qui, parmi eux, sont d’honnêtes gens n’ayant rien à se reprocher et ont pu à tort se sentir visés, acceptent mes regrets de les avoir blessés ». Ce ne sont pas des excuses, rétorquent en substance SOS racisme et le collectif qui réclament une sanction judiciaire et une peine d’inéligibilité. Ils considèrent que la lettre au ministre du maire de Saint-Claude n’est pas digne d’un élu de la République. Selon SOS Racisme, le maire « dépositaire du pouvoir de police municipale et garant de l’ordre public a choisi délibérément d’attiser la haine raciste et islamophobe de ses concitoyens contre les personnes originaires de Turquie ou de confession musulmane ». Samuel Thomas met particulièrement l’accent sur un passage de la missive où il est écrit que « cet afflux concerne essentiellement la communauté turque, dont l’économie souterraine criminelle repose sur le trafic de drogue (...), est en train de faire des ravages, à travers l’acquisition régulière de tout ce qui peut se vendre dans la ville colonisant littéralement la cité ». Simple citoyen ordinaire, comme il se définit lui-même, Pierre Gresset, membre du collectif, accuse le maire de la cité pipière de prendre la posture de « victime ». « On lui ferait un faux procès, martèle l’enseignant, alors que l’ensemble d’une communauté est diffamée d’une manière grave ».

Christophe Marchal



Samuel Thomas (à gauche) vice-président national de SOS racisme a déposé plainte

 

 

 

Il y a un problème

 

La lettre que Jean-Louis Millet a envoyée à Nicolas Sarkozy a suscité émoi et réaction dans la cité sanclaudienne. Ainsi pour Gérard, 45 ans et Sanclaudien depuis toujours, les choses sont simples. « Il y a un problème, c’est certain, mais il va loin quand même. Mais je pense qu’il y a sûrement des problèmes avec d’autres ressortissants d’autres nationalités. D’accord, tout le monde sait qu’il y a de la vente de drogue à Saint-Claude, ce n’est pas un secret. La population visée dans sa lettre est une population jeune. Je trouve qu’il est un peu sectaire car il n’y a pas que des Turcs qui sont mêlés à cela. Il y a aussi des Français qui sont d’origine… Il faudrait peut-être être plus sur le dos des gens qui sont au chômage et qui roulent dans des voitures de luxe avant de mettre tout le monde dans le même sac. Car il y a des gens très bien chez les Turcs et des Français qui ne sont pas fréquentables. » Pour ce qui est de la plainte de SOS Racisme, « je ne suis pas pour car cela ne fait qu’envenimer les choses au lieu de les apaiser. »
Corinne a 20 ans et habite Saint-Claude depuis plusieurs années. Quand elle a eu connaissance de la lettre de Jean-Louis Millet sa réaction ne s’est pas faite attendre. « Ce n’est que la vérité ! Prenez tous les Arabes à Saint-Claude, ils roulent tous effectivement dans des grosses voitures et ce sont pour la plupart des jeunes de mon âge. Moi, il a fallu que je trime pendant deux ans pour m’acheter une petite voiture d’occasion. Voir cela, oui ça m’énerve. Il y a vraiment un problème ! On a beau se demander comment ils font, ce n’est pas avec les alloc.’ et le chômage que l’on peut se permettre ce type d’achat. Alors oui ce n’est pas un secret Saint-Claude est une plaque tournante de la drogue. Après il faut peut-être effectivement penser à faire quelque chose pour que ça cesse. Regardez, même pour les logements, ils ont plus de facilité à en obtenir que nous. Ce n’est vraiment pas normal ! »

 

 

 

 

Plainte contre plainte

 

Plainte contre plainte
Avant même que le parquet ait instruit la plainte contre X de SOS Racisme le 30 mars dernier, il semble d’ores et déjà qu’elle a peu de chance d’aboutir, ceci pour deux raisons. D’une part, la plainte est déposée pour « injure publique à caractère raciste ». Sans s’aventurer sur le terrain de la qualification raciste ou non des propos écrits de Jean-Louis Millet, il semble que le caractère public du courrier ne puisse être retenu. En effet, la missive était destinée dès l’origine à demeurer une correspondance privée, et le fait qu’elle soit adressée par un maire à un ministre n’a aucune incidence. Elle aurait pu revêtir le caractère public si Jean-Louis Millet lui-même avait été à l’origine de la transmission de son courrier aux sites internet incriminés. En revanche, celui ou celle qui a provoqué, par ses actes, la publicité du courrier pourrait se voir condamner, le cas échéant, pour violation du secret de la correspondance. D’autre part, si le caractère raciste des propos tenus par Jean-Louis Millet dans sa lettre est avéré, le maire de Saint-Claude est couvert par le délai de prescription qui, en matière d’injures racistes, est fixé à trois mois par la loi. Pour être recevable, il aurait donc fallu que la plainte de SOS soit déposée au plus tard début janvier. Cependant, Jean-Louis Millet n’est pas seul concerné par la plainte de SOS Racisme puisqu’elle mentionne également deux sites internet qui se sont faits les relais du courrier incriminé, respectivement le 22 octobre pour le site paxeuropa.com et le 3 janvier 2004 pour le site france-echos.com. Si paxeuropa est couvert par la prescription, il n’en est pas de même pour france-echos.com. Si la plainte de SOS Racisme aboutit, ce ne pourra être qu’à l’égard des responsables de ce site. Jean-Louis Millet, lui, n’a rien à craindre.

 

 

 

 

Devoir d'information ?

 

Le maire de Saint-Claude n’a pas souhaité répondre à nos questions, mais il a rédigé un communiqué en plusieurs points concernant « les attaques » dont il est l’objet. « Le courrier envoyé au ministère de l’Intérieur a scandaleusement et clandestinement été intercepté et divulgué par une personne manifestement désireuse de créer des troubles de l’ordre public alors qu’il aurait dû être en possession que du seul ministre, du seul préfet et du seul sous-préfet (...) Nous sommes dans une situation où l’hypocrisie est reine de la part de certains de mes détracteurs, il n’échappera à personne l’aspect très politique d’une affaire pilotée par certaines personnes à l’approche d’une période électorale (...) Le maire, chargé du bon ordre dans sa commune, a un devoir d’information vis-à-vis des autorités administratives. Il lui revient par la loi, à titre préventif, d’informer ces autorités et de dénoncer tout fait dont il a pu avoir connaissance ». En conclusion, ajoute-t-il, « un maire pour être tranquille doit se contenter de ne rien voir, ne rien entendre, laisser faire et surtout fermer sa gueule ».

 

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