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Le gouvernement présente son nouveau plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme

Dimanche, 29 Janvier, 2023
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Ce programme sur quatre ans, qui doit être présenté lundi par la première ministre, suscite des espoirs, mais aussi la méfiance dans le milieu associatif, en raison de l’échec du précédent dispositif, déployé entre 2018 et 2020.

 

 

Il était plus qu’attendu par tous les acteurs de la lutte antiraciste. Ce lundi 30 janvier, à l’Institut du monde arabe, la première ministre, Elisabeth Borne, doit présenter le nouveau plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine proposé par le gouvernement. Piloté par Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, ce plan sur quatre ans s’inscrit dans la lignée du dispositif précédent, proposé par Edouard Philippe en 2018 et déployé jusqu’en 2020.

 

Ce dossier est le fruit de plusieurs mois de concertation entre le gouvernement – quinze ministres ont participé aux discussions –, trente-cinq associations, des représentants des lieux mémoriels, avec l’appui de la Défenseure des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Une dizaine de ministres seront d’ailleurs présents aux côtés d’Elisabeth Borne ce lundi pour présenter diérents points du plan.

 

Au total, 80 mesures seront proposées, en s’articulant autour de cinq axes : nommer la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations, mesurer ce phénomène, mieux éduquer et former, sanctionner les auteurs et accompagner les victimes. Parmi les mesures-phares, une visite liée à l’histoire ou celle d’un lieu de mémoire devrait être obligatoire pour chaque élève durant sa scolarité. La formation sur ces enjeux devrait aussi être renforcée, que ce soit auprès des enseignants et personnels d’établissement, des agents de la fonction publique, des éducateurs sportifs ainsi que des bénévoles pour les Jeux olympiques 2024.

 

 

« Redonner confiance »

 

Sur le plan pénal, le gouvernement espère améliorer le recueil et le traitement des plaintes grâce à une «grille d’évaluation pour mieux qualier les faits» proposée aux forces de l’ordre an d’éviter les classements sans suite. Il entend aussi inscrire dans la loi la possibilité d’émettre un mandat d’arrêt en cas d’infraction à caractère raciste ou antisémite, tout en créant des peines aggravées pour ces mêmes infractions par des personnes dépositaires de l’autorité publique. Ce nouveau plan vise enn à mieux lutter contre les discriminations dans l’accès au logement et au travail en systématisant les testings dans diérents secteurs, publics et privés.

 

Ces nouvelles mesures auront-elles plus de succès que celles proposées en 2018? Tous les acteurs reconnaissent à demi-mot que l’ancien plan s’est révélé être un échec. Et à y regarder de plus près, certaines idées de 2023 ressemblent à des objectifs déjà ciblés cinq ans plus tôt, comme la volonté de renforcer la formation de l’ensemble des personnels dans les établissements.

 

Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, le nombre de crimes ou délits à caractère raciste a augmenté de 13 % entre 2019 et 2021. Chaque année, ce sont encore 1,2 million de personnes qui subiraient une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, alors que seules 1 382 condamnations ont été prononcées en 2021 pour des actes racistes, antisémites ou xénophobes, selon le ministère de la justice.

 

Les débats actuels, et notamment ceux mis en avant lors de la campagne présidentielle de 2022, ont aussi participé à une banalisation de la parole raciste et de thèses complotistes d’extrême droite, comme celle du «grand remplacement».

 

«Il y avait peut-être trop de mesures dans le plan précédent, reconnaît Maya Hagege, déléguée générale de l’Association française des managers de la diversité, qui a participé aux discussions. Il y a surtout eu une volonté très forte de changer les choses au départ, mais, après l’annonce du plan, on a vu peu d’animation de l’écosystème.» Un point d’étape était d’ailleurs prévu dix-huit mois après son lancement en mars 2018, mais aucun suivi n’a été fait. En avril 2021, le gouvernement avait aussi lancé une grande consultation citoyenne en ligne sur la lutte contre les discriminations. Là encore, les résultats se font attendre.

 

Cette année, Isabelle Rome promet un suivi semestriel sous son autorité avec les diérents acteurs concernés. La Commission nationale consultative des droits de l’homme évaluera aussi le plan chaque année. «Il s’agit de redonner conance à nos concitoyens en leurs institutions, assure la ministre déléguée. Très vite, avec le ministre de l’intérieur, nous enverrons des instructions aux préfets pour la mise en œuvre des mesures dans tous les territoires, qui doivent aussi s’approprier ce plan. Il y a une ossature, mais les territoires s’adaptent à leurs spécicités et s’appuient sur leur tissu associatif.»

 

 

« Sentiment de fatalité »


Aucun budget n’a encore été fixé pour ce plan. «Chaque ministère s’est engagé sur les mesures à mettre en place et chacun mettra donc les moyens qu’il faut», assure Isabelle Rome. A mi-parcours, la ministre souhaiterait proposer un document public faisant apparaître les actions de chaque ministère et les moyens déployés. «On veut vraiment de la transparence et de la transversalité», martèle l’ancienne magistrate.

 

Du côté des associations antiracistes, l’attente est forte, mais la méance l’est presque tout autant. Dominique Sopo, président de SOS-Racisme, salue déjà la concertation avec le milieu associatif pour l’élaboration du plan et le fait qu’il intègre ociellement pour la première fois la lutte contre les discriminations. «On sait bien que des annonces ne restent que des annonces. Donc on espère une mobilisation totale de l’Etat, qui se doit d’être responsable et de regarder aussi les discriminations qui existent en son sein», poursuit-il. En ce qui concerne les mesures, il espère que les formations ne seront pas «juste des cases cochées».

 

Samuel Thomas, président de la Fédération nationale des maisons des potes (association luttant contre les discriminations dans les quartiers), va dans le même sens et milite pour que le volet pénal ne soit pas oublié derrière l’éducation et la formation. «Dans toutes les villes, il y a ce ressenti de discrimination à l’égard des habitants des quartiers et, en même temps, il y a un sentiment de fatalité et d’impunité, parce que ces discriminations sont rarement sanctionnées», analyse-t-il après le Tour de France de l’égalité effectué par son association à la mi-décembre 2022.

 

M. Thomas ne cache pas non plus sa déception vis-à-vis du plan de 2018. «L’attente au niveau des moyens est très importante, mais on ne se fait pas trop d’illusions, conclut-il. On a l’impression de découvrir l’ampleur du phénomène à chaque fois. On s’attaque à la petite cuillère à un torrent qui arrive de partout, même au niveau international. Ce genre de plan de lutte devrait se faire à l’échelle européenne.»

 

Certaines associations se demandent également si toutes ces mesures seront bien mises en place, notamment dans un système éducatif et judiciaire déjà à bout de soue. «Essayer d’améliorer les choses, ce n’est pas forcément apporter une surcharge. Au contraire, on va proposer de nouveaux outils pour faciliter les choses», défend Isabelle Rome. Hors micro, les acteurs du milieu s’interrogent surtout sur le choix de la date de présentation du plan. Prévu en décembre 2022, ce grand projet voit finalement le jour en pleine séquence sur la réforme des retraites, la veille d’une nouvelle journée de mobilisation. Avec le risque que ce plan connaisse le même sort que son prédécesseur.

 

Robin Richardot

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