

« Pas plus de 20 % de noirs et d'arabes »
Vice-président de SOS Racisme et président de la fédération nationale de la Maison des Potes, Samuel Thomas commente son rapport.
- Pourquoi cette enquête sur le fichage ethnique ?
-La mission qui nous a été confiée était de mettre à jour les systèmes
discriminatoires fondés sur le fichage ethnique. Et de préciser les suites qui
étaient données par la CNIL, l'inspection du Travail, les procureurs de la
République, les commissariats et les juges aux infractions constatées... Nous
avons constaté que le fichage ethnique a perduré dans un certain nombre
d'entreprises au point que certaines d'entre elles publient dans leur bilan
social des analyses fondées sur des catégories ethno-raciales. Eurodisney, par
exemple, trie le personnel selon qu'il est originaire d'Afrique-Maghreb,
Afrique hors Maghreb, Caraïbes, Europe, Asie, etc. Il y a des entreprises qui,
sur leur site Internet, proposent aux candidats à l'emploi, d'indiquer si elles
sont d'un pays qui s'appelle la France ou d'un pays qui s'appelle la
Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, etc. Or, on ne propose pas le pays
Bretagne ou le pays Corse.
- Le logement est-il très concerné ?
- Il existe des organismes HLM qui ont établi des catégorisations
ethno-raciales sur la base de '' rubriques '' identiques à celles des
entreprises dont je viens de parler. D'autres organismes sont épinglés pour
avoir trié les gens à partir de la consonance de leur nom (maghrébine,
africaine, asiatique...) et, ensuite ils mettent des quotas dans les immeubles.
Ils estiment que trop de ces personnes feraient fuir '' la bonne clientèle ''
et déprécie la qualité de l'immeuble. Or, trop de personnes d'origine maghrébine
c'est quand cela dépasse 7 %. Cela conduit à une concentration de ces personnes
'' indésirables '' dans des quartiers considérés comme '' perdus '' où ils sont
concentrés à 80 %.
- Un exemple ?
-Oui, l'OPAC de Saint-Etienne.
- Quelles conséquences dans le domaine de l'emploi ?
- Dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, par exemple, la majorité
des candidats à ces emplois inscrits dans les agences d'intérim sont issus des
DOM-TOM, d'Afrique ou du Maghreb. Mais lorsque l'agence veut placer ces
intérimaires, leurs clients (hôtels et restaurants) ne veulent '' pas plus de
20 % de noirs et d'arabes ''.
- Que révèle d'autre ce type d'enquête ?
- Chaque fois que l'on met en place des pratiques de statistiques
ethniques, en réalité les employeurs les utilisent pour définir des seuils à
partir desquels ils considèrent que des équilibres sont trop modifiés ou à
partir desquels il y a une intolérance manifeste qui s'exerce de la part des
clients ou des partenaires. Cela révèle aussi que la statistique ethno-raciale
n'est pas un outil de lutte contre les discriminations mais pour définir des
seuils. Et affecter ensuite des gens à des entreprises qui ont souhaité avoir
ce type de profil.
- Exemple ?
- Air France est épinglé pour avoir fait une typologie raciale des hôtesses
de l'air utilisées pour les vols spéciaux. Air France se défend en disant
qu'elle a des clients qui affrètent des avions en demandant tel ou tel profil
ethnique. Il leur faut donc satisfaire le client. La logique économique prime
sur la défense des droits de l'Homme.
- Comment réagir ?
-Plus que de dénoncer des entreprises, ce rapport révèle les manques
considérables de la CNIL. Car c'est la loi Informatique et Liberté qui réprime
le fichage ethnique. Or, la CNIL fait des enquêtes a minima depuis quatre ans
et ne saisit pas les fichiers. De même la police et la justice ne déploient pas
les moyens nécessaires pour renvoyer les auteurs de ces délits devant un
tribunal. Et lorsqu'une affaire vient en justice, les condamnations sont
symboliques. On est loin des peines dissuasives.
Propos recueillis par Marcel GAY
5/11/09
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