Prisons, triste état des
lieux
L'Express du 04/12/2003
Le procès du tri ethnique
par Marie Cousin
SOS-Racisme poursuit l'administration, qui a tendance à répartir les détenus selon leur origine
Bloc A pour les «Occidentaux», bloc B pour les «Africains», bloc C pour les «Maghrébins» et Bloc D pour «le reste du monde». C'est ainsi que fonctionne la répartition des détenus à la prison de la Santé, à Paris. En 2000, l'association SOS-Racisme a porté plainte contre X, dans le dessein de dénoncer le «tri ethnique» et la différence de traitement des prisonniers selon les bâtiments auxquels ils sont affectés. Le tribunal a prononcé un non-lieu, qui vient d'être confirmé en appel. «La cour a rendu cet arrêt parce qu'elle juge qu'il n'y a pas de discrimination entre les détenus, explique Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme. Mais elle reconnaît l'existence du tri ethnique, qui est contraire à l'esprit républicain, surtout lorsqu'il est organisé par l'Etat lui-même.» Même indignation chez le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt (PS), qui a posé une question écrite au garde des Sceaux sur ce sujet: «Il est constitutionnellement inacceptable que ce système de tri soit reconnu officiellement.»
La prison de la Santé compte 60% d'étrangers et 82 nationalités différentes
Selon les autorités pénitentiaires, cette distribution des prisonniers n'aurait rien de systématique et permettrait, en outre, d'améliorer les conditions de détention. Exemple: un étranger non francophone préférera peut-être se retrouver avec un codétenu qui parle sa langue et partage les mêmes pratiques culturelles. La prison de la Santé compte, en effet, 60% d'étrangers et 82 nationalités différentes. «En général, la répartition est faite intelligemment à l'intérieur des blocs, souligne Michel Flauder, du Snepap-FSU, le syndicat majoritaire des éducateurs en milieu pénitentiaire. Mais le principe du tri ethnique conduit à des aberrations.» Et de raconter l'histoire de ce Maghrébin de 25 ans, né en France, incarcéré avec une personne débarquant du Maghreb, ou de ces Antillais qui dépendent du bloc des «Africains». «Le tri est donc bien effectué selon la couleur de la peau et c'est intolérable», conclut Samuel Thomas. SOS-Racisme vient de déposer un pourvoi en cassation et compte relancer une nouvelle procédure, fondée sur des plaintes individuelles de détenus.
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