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Logements à louer, Arabes et Africains s'abstenir Une agence immobilière «sélectionnait» les candidats. Procès à Toulouse.

Lundi, 4 Juillet, 2005
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C'était «pour leur rendre service» que la directrice de Sud Location n'envoyait pas ses clients arabes ou africains visiter certains appartements. «Pour leur éviter de perdre un après-midi à aller voir un propriétaire qui nous avait précisé ne pas vouloir d'eux», nous indique-t-elle. Réjane Massarès avait mis au point un petit truc pour ne pas s'y perdre. La mention «PE», comme «Pas d'Etrangers», était portée sur 250 de ces offres restreintes de location.

Logements à louer, Arabes et Africains s'abstenir
Une agence immobilière «sélectionnait» les candidats. Procès à Toulouse.

Par Gilbert LAVAL
lundi 04 juillet 2005

Toulouse de notre correspondant

C'était «pour leur rendre service» que la directrice de Sud Location n'envoyait pas ses clients arabes ou africains visiter certains appartements. «Pour leur éviter de perdre un après-midi à aller voir un propriétaire qui nous avait précisé ne pas vouloir d'eux», nous indique-t-elle. Réjane Massarès avait mis au point un petit truc pour ne pas s'y perdre. La mention «PE», comme «Pas d'Etrangers», était portée sur 250 de ces offres restreintes de location. «Une méthode de discrimination conçue comme un système d'entreprise, informatisé, planifié à grande échelle», attaque le vice-président de SOS Racisme, Samuel Thomas, à l'origine du procès pour discrimination qui se tient aujourd'hui devant le tribunal de grande instance de Toulouse. Sur sa plainte, le procureur de la République a retenu le refus de «fourniture d'un bien ou d'un service [...] à raison de l'origine ou de l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une race ou une nationalité», contre Réjane Massarès.

La quadragénaire directrice de l'agence Sud Location veut bien tout avouer. «Mais je n'ai jamais fait que suivre les indications des propriétaires, se défend-elle. Ce que je faisais est interdit, je me rendais complice du délit de discrimination, mais je ne le savais pas. Maintenant, je ne le fais plus.» Pour SOS Racisme, les 250 propriétaires devraient être eux aussi poursuivis. Mais ils ne le sont pas. Le 18 janvier 2005, le procureur de la République a bien demandé à la police judiciaire d'entendre chacun de ces propriétaires. Mais le directeur adjoint de la sécurité lui a retourné douze jours plus tard un avis de «non-exécution». Motif ? La «grande difficulté et la lourdeur» d'une telle enquête. Le parquet n'a pas insisté. Seule la directrice de l'agence est aujourd'hui poursuivie. «Sud Location a pourtant fourni les noms, adresses et numéros de téléphone des intéressés, proteste Samuel Thomas. En général, on nous dit que nos méthodes telles que le testing ne constituent pas vraiment des preuves, et quand nous amenons des preuves, on nous dit qu'on n'a pas le temps de vérifier...» Le divisionnaire de la PJ a ajouté une note à l'attention du procureur : «La responsable de l'agence dénommée reconnaît les faits qui lui sont reprochés, mais fournit également une liste de fiches de locataires étrangers, ce qui tend à dire que la pratique des "PE" n'était pas systématique.»

Que Réjane Massarès présente pour sa défense des témoignages en sa faveur de quelques-uns de ses locataires «étrangers» parmi la trentaine qu'elle loge actuellement ne froisse pas Samuel Thomas. Mais que la police judiciaire y trouve une circonstance atténuante le fait en revanche rugir. «Dans toute cette affaire-là, conclut-il, c'est la police et la justice qui paraissent accepter le principe de la discrimination. Ce commissaire manque de moyens mais il montre surtout le peu de cas qu'il fait des centaines de victimes. Et la justice renonçant à poursuivre les propriétaires discrédite son action.» C'est, en tout cas, la troisième affaire de discrimination au logement que SOS Racisme porte devant le tribunal de Toulouse.

Une ancienne salariée de l'agence avait dénoncé cette pratique à SOS Racisme dans un courrier du 18 décembre 2001. Aujourd'hui ? Par note de service, Réjane Massarès précise très clairement à ses employés qu'«en l'état des dispositions légales en vigueur», ils ne devront plus «causer de discrimination à l'égard de quiconque, que ce soit un propriétaire ou un futur locataire».

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=308699

 

© Libération

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