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Discriminations : parlons-en ! Testing : mode d'emploi

Lundi, 15 Mars, 2004
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Samuel Thomas: « La discrimination raciale n’est pas une opinion politique ni un jugement de valeur. C’est une pratique qui consiste à opérer un traitement différencié qui a pour base le critère de l’origine (réelle ou supposée) ».

Vous pensez être victime de discrimination mais vous n’en êtes pas sûrs ?
En France, les outils de lutte existent et le testing en fait partie.
C’est désormais un mode de preuve acceptable devant un juge.
D’abord utilisé par SOS racisme pour dénoncer les discriminations à l’entrée des boîtes de nuit, le testing peut aussi être utilisé pour dénoncer une discrimination au logement ou à l’embauche. Mode d’emploi…



Actions Solidaires

 

Discriminations : parlons-en !

 

Testing : mode d'emploi

 

Vous pensez être victime de discrimination mais vous n’en êtes pas sûrs ?
En France, les outils de lutte existent et le testing en fait partie.
C’est désormais un mode de preuve acceptable devant un juge.
D’abord utilisé par SOS racisme pour dénoncer les discriminations à l’entrée des boîtes de nuit, le testing peut aussi être utilisé pour dénoncer une discrimination au logement ou à l’embauche. Mode d’emploi…

 

Discriminations : Etat des lieux

 

Par Olivier Malaponti

 

Les discriminations liées aux origines des personnes touchent tous les secteurs de la vie quotidienne : emploi, logement, éducation, santé… Pour lutter contre ces pratiques hors la loi, avait été mis en place un dispositif comprenant le 114, numéro d’appel gratuit pour les personnes victimes ou témoins de discriminations et les Codac (Commissions départementales d’accès à la citoyenneté), qui avaient pour mission d’identifier et de trouver des solutions à ces discriminations. Ce dispositif sera prochainement remplacé par la « Haute Autorité contre les discriminations et pour l’égalité ». Cette autorité indépendante sera chargée de lutter contre toutes formes de discriminations, qu’elles soient liées à l’origine ethnique, la religion, la sexualité ou le handicap.

 

Qu’est ce que la discrimination raciale ?

Une pratique qui consiste à opérer un traitement différencié fondé sur le critère de l’origine.

 

« La discrimination raciale n’est pas une opinion politique ni un jugement de valeur. C’est une pratique qui consiste à opérer un traitement différencié qui a pour base le critère de l’origine (réelle ou supposée) ». Telle est la définition que donne SOS Racisme. De surcroît, la discrimination raciale peut être directe (inégalité de traitement faite volontairement) ou indirecte (pratique ou mesure apparemment neutre). Que ce soit l’une ou l’autre, dans les faits, elles produisent les mêmes effets : traiter deux personnes de manière inégalitaire en raison de leur origine (réelle ou supposée), et exclure.

 

Les discriminations les plus souvent dénoncées

L’emploi et le logement viennent en tête.

 

Du jour de son ouverture (mai 2000) au 31 décembre 2003, le 114 a effectué, sur l’ensemble du territoire, plus de 11 000 signalements aux Codac. Ce qui ressort des appels reçus ? Les discriminations liées à l’emploi arrivent au premier rang des plaintes avec 35,3 % des appels. Les chiffres publiés par l’Insee parlent d’eux-mêmes : pour les diplômés du 2e, 3 e cycle ou d’une grande école, le taux de chômage des étrangers du Maghreb est quatre fois supérieur à celui des Français de naissance (respectivement 20 % et 5 %). On appelle ensuite le 114 pour signaler les discriminations liées aux services et aux biens (19,6 %), au logement (9,7 %), au voisinage (9,5 %), aux forces de sécurité (7,4 %), aux services publics administratifs (5,4 %) et à l’éducation (4,6 %).

 

De la difficulté de dénoncer

Les gens préfèrent ne pas parler.

 

Franchir le pas et dénoncer les discriminations dont on est victime est difficile. « Souvent, ça n’aboutit pas. Ils ne portent pas plainte, se rétractent. Ils ont peur d’être victimes d’agressions, de représailles », note Aline Reynet, présidente de la fédération de la Ligue des droits de l’Homme de l’Isère. « Il faut avoir le courage de porter plainte ! Les gens préfèrent ne pas parler, ne pas être exposés publiquement », explique Rachid Alaoui, vice-président de la section emploi du conseil économique et social de la région Champagne-Ardennes. « C’est humiliant pour quelqu'un de reconnaître qu’il est écarté, et ça l’est davantage lorsque ça se sait », confie Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme.

 

« Un processus de dé-professionnalisation »

On ne fait plus attention aux compétences mais aux appartenances

 

Pour Rachid Alaoui, « les discriminations raciales se manifestent en terme d’accès à l’emploi et au moment de l’embauche. Les candidatures sont triées en fonction du lieu d’habitation, de l’origine, du nom et de la couleur de peau. Il y a un processus de déprofessionnalisation des critères de recrutement : on ne fait plus attention aux compétences mais aux appartenances ! Généralement, les secteurs les plus exposés sont ceux où il y a un contact avec le public, comme le commerce, la restauration, l’hôtellerie, la vente. Aussi, les discriminations sont manifestes dans le déroulement de la carrière, à l’intérieur de l’entreprise ». Samuel Thomas explique par ailleurs que « le domicile est constitutif de beaucoup de discriminations. L’endroit où vous habitez conditionne la manière avec laquelle vous serez traité partout : banques, administrations… ». « Inscrire sur son CV Bobigny ou La Grande Borne génère de la violence sociale et de la discrimination », observe Olivier Bassuet, vice-président de Ni Putes Ni Soumises.

 

Un phénomène d’auto-discrimination

 Les jeunes sont les plus touchés.

 

Aline Reynet évoque, chez les jeunes, « un phénomène d’autodiscrimination qui relève du sentiment du mal-aimé, du non-reconnu social, du processus de victimisation, qui génère un certain fatalisme : ils n’ont plus envie de faire de projet ». « Il y a une désespérance chez les petits frères qui se demandent à quoi ça sert de faire des efforts d’intégration, note Samuel Thomas. Ça génère un enfermement dans un ghetto, et ça pousse certains à se jeter dans les bras d’oppresseurs ! La conséquence ? La montée du communautarisme. » Repli sur soi, sur son groupe d’origine, sur sa religion, enfermement, rupture avec le modèle républicain d’intégration, souffrances psychologiques, atteinte dans l’estime de soi, culpabilisation… les conséquences sont lourdes pour les victimes.

 

En quoi est-ce répréhensible ?

 La peine encourue est de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende

 

La discrimination contrevient au principe d’égalité inscrit dans l’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, reprise dans le préambule de la Constitution de 1958 : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. » A celui-ci s’ajoutent la loi contre le racisme du 1er juillet 1972 et, sur la base de l’article 13 du Traité d’Amsterdam, une directive Européenne qui impose aux Etats membres d’agir contre les discriminations.

 

Emploi, logement, loisirs, santé… : dans tous les domaines de la vie courante, l’auteur d’une discrimination raciale encourt une peine de prison de deux ans maximum et/ou une amende pouvant s’élever jusqu’à 30 000 euros. A celles-ci peuvent s’ajouter des peines complémentaires (privation de droits, affichage de la décision…). La plainte doit être déposée par la victime et/ou une association de lutte contre les discriminations, dans les trois années qui suivent les faits. L’action en justice sera portée devant le tribunal correctionnel du lieu de la discrimination, et c’est à la victime d’apporter, par tous les moyens (testing, témoignages, approches comparatives par la statistique…), la preuve de la discrimination.

 

Un dispositif de lutte efficace ?

Il existe des outils d’investigation à disposition des victimes mais, en fait, il n’y a personne pour les faire appliquer.

 

« Le dispositif législatif est efficace mais le dispositif exécutif, lui, ne l’est pas ! », martèle Samuel Thomas. « Il existe des outils d’investigation à disposition des victimes mais, en fait, il n’y a personne pour les faire appliquer : le nombre de fonctionnaires mis à disposition de ce combat est quasi nul », poursuit-il. Pour Rachid Alaoui, « beaucoup de choses sont portées par la victime, qui est elle-même fragilisée. Il n’y a pas de structure d’enquête, d’encadrement et d’accompagnement qui la prenne en charge ». Jean Claude Dulieu, secrétaire général adjoint du MRAP, souhaite, en matière de litige lié à la discrimination raciale, « étendre, à tous les domaines, à tous les tribunaux, le partage de la charge de la preuve ».

 

Comment lutter contre les discriminations ? L’éducation et la formation avant tout

 

« Une vraie politique de sanction : c’est la clé ! » s’exclame Samuel Thomas de SOS Racisme. Le MRAP est sur la même ligne. Jean Claude Dulieu, au sujet de la future Haute Autorité de lutte contre les discriminations, explique : « Si on veut être efficace, il faut que cette autorité soit véritablement indépendante, qu’elle soit dotée d’un véritable pouvoir d’investigation et de sanction, qu’elle applique le partage de la charge de la preuve et qu’elle ait un devoir de résultat. » Pour Samuel Thomas, « l’Etat doit faire le ménage dans les six millions d’emplois fermés, pour lesquels la nationalité Française est un critère. En matière d’attribution de logements sociaux, il faut instaurer une règle : c’est l’ancienneté qui prime ! Il faut aussi sensibiliser l’opinion et mener des campagnes de communication et d’information contre les discriminations ». Monique Decker, institutrice retraitée et présidente de la section de la LDH à Longwy, mène dans les écoles des actions de sensibilisation, dans le cadre de l’éducation civique : « Les enfants d’abord ! Quand je vais dans les écoles, j’essaye de faire passer par les jeunes, la parole vers les parents car les petits ont une influence. » Pour Samuel Thomas, le message à destination des victimes est clair : « Vous n’êtes plus des victimes lorsque vous nous contactez. Vous êtes des testeurs de la République. C’est grâce à vous que la loi va fonctionner. Ce même message doit aussi être adressé aux témoins car, sans leur témoignage, la discrimination sera perpétuelle ! »

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