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Au camping des Demoiselles, SOS Racisme joue au mono

Jeudi, 29 Août, 2002
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Pendant tout l'été, des animateurs de l'association se sont démenés pour que la cohabitation entre familles et jeunes des banlieues devienne harmonieuse.

 

Au camping des Demoiselles, SOS Racisme joue au mono
Pendant tout l'été, des animateurs de l'association se sont démenés pour que la cohabitation entre familles et jeunes des banlieues devienne harmonieuse.

 

Par Marie-Joëlle GROS

jeudi 29 août 2002


Règle numéro 1 : apprendre à dire bonjour. Les jeunes l'ont rapidement admis. Ensuite, mettre fin à «la guerre des yeux» : «Quoi tu m'as regardé ? Si, je t'ai vu, tu m'as regardé !», scénario classique d'un début d'embrouille.

 

Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée) envoyée spéciale.

Dernière semaine d'août. Le camping des Demoiselles se vide chaque jour un peu plus. Pour les animateurs de SOS Racisme et de la Fédération des maisons des potes, l'heure est à la décompression, autour d'un poulet coco. Mofid a un torticolis, Hakim est épuisé : «On a travaillé quasiment 20 heures sur 24 pendant deux mois, disent-ils. Et ce n'est pas fini : il faut maintenant rédiger le bilan et le transmettre au ministère de la Ville.» Durant l'été, le camping des Demoiselles a accueilli près de 2 000 personnes. Des familles d'habitués et des jeunes des cités. «On vient de vivre quelque chose de très spécial, dit Hubert, patron de la paillote installée face à l'entrée du camping depuis vingt-trois ans. Les carapaces ont fondu, chacun a appris à montrer ce qu'il avait dans le coeur : beaucoup de chaleur.»

«Machine à fantasmes». Saint-Hilaire-de-Riez compte 54 campings. Les Demoiselles est le seul terrain municipal deux étoiles. Un camping à vocation sociale, créé il y a trente ans, pratiquant des tarifs très bas. Mais depuis quelques années, ce camping était devenu «une machine à fantasmes: c'était la banlieue descendant en vacances, le cauchemar des gens d'ici», raconte Mofid. Pourtant, dans les allées, il restait encore quelques familles aux revenus modestes : des irréductibles bien décidés à ne pas renoncer à ce joli terrain, à 200 mètres de la plage. Mais les tensions se multipliaient avec les jeunes, arrivés là par le bouche à oreille ou envoyés par leur commune : Aubervilliers, Belfort, Cergy, entre autres. Les gendarmes intervenaient quasiment tous les jours. Et le maire, Jacques Fraisse (PS), envisageait sérieusement de fermer l'endroit : trop de problèmes. SOS Racisme, qui mène une campagne antidiscrimination dans les campings de la côte Atlantique (lire encadré), a donc proposé un partenariat à la municipalité : «Transformer un camping problématique en camp d'éducation populaire», résume Mofid. Au début de l'été, une trentaine de bénévoles se sont glissés parmi les campeurs. Le ministère de la Ville s'est engagé à soutenir le dispositif, via le Pajecot (plan d'accueil des jeunes dans les communes touristiques), apportant 45 734 euros de subventions.

«Il se passait ici à peu près tout et n'importe quoi», raconte Mofid, le coordinateur. Un peu de trafic de shit, beaucoup de musique poussée à fond à des heures indues, et quelques agressions physiques. «Mais pour dix ou quinze fouteurs de merde, tous les mômes se retrouvaient pénalisés.» Pour les animateurs, il y avait urgence à «tout recadrer». Règle numéro 1 : apprendre à dire bonjour. Les jeunes l'ont rapidement admis. Ensuite, mettre fin à «la guerre des yeux» : «Quoi, tu m'as regardé ? Si, je t'ai vu, tu m'as regardé !», scénario classique d'un début d'embrouille. Aux nouveaux arrivants, le coordinateur a laissé en moyenne 24 heures pour se mettre au parfum : soit comprendre et accepter les règles du jeu. Ceux qui n'ont rien voulu savoir ont été expulsés. De leur côté, les militants de SOS Racisme sont allés au-devant des familles de vacanciers. Pour discuter, rassurer, aider à changer de regard sur les jeunes. Installés parmi les campeurs, les bénévoles n'ont pas chômé.

Armoires à glace. «J'ai été tour à tour confident, réparateur de tente, infirmier, cuistot, assistant social, taxi», énumère Julien. Titou, DJ et futur éducateur, a organisé des concours de danse pour les enfants des campeurs. Il y a eu des tournois de Baby-foot, de pétanque, des concerts sur la plage, des ateliers dessin, des sorties paint-ball et quad, des matchs de foot... «C'était bien, cette année, dit Samir, 20 ans, étudiant à la fac de Saint-Denis. On se sentait à l'aise, on pouvait laisser nos affaires sous la tente, tranquille. Pas comme l'année dernière.» Un service de sécurité a veillé au grain. Huit armoires à glace, dont un champion de boxe, se sont relayés jour et nuit. Tous «éducateurs de près ou de loin», dit Djamel, l'un d'eux. «Ils partagent les mêmes codes car ils ont les mêmes origines sociales, explique Laure Barbat, responsable du camping. Du coup, ils savent très vite désamorcer les situations qui pourraient dégénérer. Et finalement, tout le monde passe de vraies vacances.» Les jeunes et les familles repartent avec des tas de souvenirs en commun. Des grands-parents de Rouen, coutumiers du camping des Demoiselles, racontent : «C'était formidable. On a même pu laisser nos petites-filles à l'atelier dessin et s'accorder des après-midi pour nous.» Quelques couacs, aussi : «Ils ont beau jeu, les grands Noirs de la sécurité : ils foutent le bordel et après ils passent pour des justiciers», grince un type. Mais les attitudes de rejet se sont surtout déchaînées à l'extérieur du camping.

Borloo applaudit. Comme ce loueur de pousse-pousse qui demande aux jeunes de verser une caution double de la somme prévue, pour qu'ils renoncent. Ou ce patron de salle de jeux, qui ne veut pas les laisser toucher à ses machines. Des situations qui ont eu pour effet de décupler l'énergie de Mofid. Il est allé voir chaque commerçant, chaque patron de boîte de nuit, se présentant comme le garant du comportement des jeunes : «Si vous avez un problème, voilà mon portable.» Résultat, plus de 800 appels. «A chaque fois, on discute. Et tout finit par rentrer dans l'ordre.» L'initiative n'est d'ailleurs pas passée inaperçue : début août, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la Ville, l'a qualifiée d'«exemplaire». Les adolescents de la ville, qui, au début, étaient sur leurs gardes, ont multiplié les invitations à des soirées couscous-débats dans leur maison des jeunes. Et organisé des sorties en planche à voile.

Ce soir, Mofid et les autres ne sont pas peu fiers du travail accompli. Hakim, 21 ans, président de SOS Racisme à Bordeaux, dit simplement : «On ne pensait pas que ce serait autant de boulot, mais ça vaut le coup : On avance. Et le souvenir du 21 avril, lui, s'estompe.».

 

 

 

Un testing piège la gérante de l'Oasis à Pornichet

 

 

Un testing piège la gérante de l'Oasis à Pornichet

jeudi 29 août 2002

 

C'est une première juridique. Lundi, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a appliqué pour la première fois une jurisprudence de la Cour de cassation du 11 juin qui reconnaissait le testing comme preuve valable pour établir une discrimination. En utilisant cette technique avec l'aide de SOS Racisme, Fatima et Ourida Talatizi, deux soeurs d'origine maghrébine, ont pris Liliane Bernadas, gérante du camping l'Oasis à Pornichet (44), en flagrant délit. En juillet 2001, deux proches des plaignantes ont en effet pu louer un emplacement que la responsable avait refusé précédemment aux deux soeurs, prétextant que son établissement était complet. Outre 1 500 euros d'amende, le tribunal a condamné la gérante à verser 1 000 euros à chacune des plaignantes. Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme, estime que, grâce à cette décision, «les plaintes déposées cet été contre les campings de la côte Atlantique pour discrimination feront sans doute l'objet d'un traitement plus attentif par les parquets».

 

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