Un camping de Pornichet
soupçonné de discrimination raciale
Samedi 18 août 2001
(LE MONDE)
"moi, raciste ? s'offusque la propriétaire du camping de l'Oasis, à Pornichet (Loire-Atlantique). C'est pas possible. Aujourd'hui, j'ai même une famille de couleur sur mon terrain." Pourtant, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a enregistré, lundi 30 juillet, les plaintes de Fatima et Oreda Talatizi, deux sœurs françaises d'origine kabyle qui estiment avoir été victimes de discrimination raciale à l'entrée de son camping.
Arrivées le 7 juillet à Pornichet, Fatima Talatizi s'est présentée à l'entrée de l'établissement, afin de s'installer sur l'emplacement qu'un ami lui avait réservé. "J'ai un problème d'eau et je n'ai plus la place de vous accueillir", lui aurait rétorqué la gérante. Soupçonneuse, la belle-mère de Fatima s'est rendue sur les lieux le lendemain. "J'ai interrogé des campeurs pour savoir s'ils avaient manqué d'eau. Ils m'ont regardée étonnés. J'ai demandé à l'accueil s'il restait de la place. On m'a répondu oui", raconte Christine Georget, la belle-mère de Fatima. "J'ai aussitôt envoyé Oreda pour tester la réaction de la patronne", poursuit-elle. La jeune fille aurait alors tenté d'obtenir à son tour un emplacement, sans rés! ultat.
Au commissariat de La Baule, qui s'est vu confier l'enquête, un officier précise que c'est la première plainte de ce type enregistrée cette année. Pourtant, à l'Office de tourisme de Pornichet, on souligne que "le camping est coutumier du fait. Il n'y a jamais de propos ouvertement raciste, mais il n'y a jamais de place pour les basanés". Coincé entre une voie express et les rails de chemin de fer, il affiche trois étoiles parce qu'il est situé à proximité des plages de la baie. Adhérent du syndicat de l'hôtellerie de plein air, le mari de la propriétaire fait également partie de la commission départementale d'action touristique, chargée d'attribuer, sur avis des services sanitaires et des représentants des consommateurs, les étoiles tant convoitées par les hôteliers.
"UNE CLIENTÈLE D'HABITUÉS"
"Nous sommes souvent au complet parce que nous avons une clientèle d'habitués, se défend la propriétaire de l'Oasis. De toute façon, je ne regarde que le porte-monnaie et jamais la couleur de la peau." Fréquentée majoritairement par des vacanciers issus des classes moyennes supérieures, la commune de Pornichet n'accueille que très rarement des touristes venus de la banlieue parisienne. C'est pourtant à Pornichet qu'avait eu lieu, à l'été 1997, un tournoi de football de plage. "A l'époque, le camping de l'Oasis avait refusé de recevoir une équipe de jeunes, se souvient Sylvain Laurent, directeur de l'Office de tourisme de la ville. Ils ressemblaient beaucoup, par leurs origines, à l'équipe de France de football, avec des Zidane et des Karembeu." L'Office de tourisme a déjà tenté de sanctionner le ca! mping, notamment en limitant la place que celui-ci occupe dans ses publications commerciales. "Mais cette initiative n'était pas tenable sur le plan juridique", rappelle Sylvain Laurent.
Contactée par la belle-mère de Fatima Talatizi, l'association SOS-Racisme a organisé, fin juillet, un testing à l'entrée de plusieurs campings du département. Un coup pour rien : les établissements visités affichaient réellement complets. L'association a tout de même l'intention de se porter partie civile dans le dossier pour soutenir Fatima et Oreda Talatizi. "Et l'été prochain, nous allons généraliser les testings dans les campings", affirme Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme. La Cour de cassation, dans un arrêté du 12 septembre 2000, avait reconnu le testing comme preuve en matière de discrimination raciale, dans une affaire qui opposait SOS-Racisme à un gérant de discothèque. L'association a depuis multiplié les opérations à l'entrée des banques ou des supermarchés, sans que celles-ci a! ient été, pour l'instant, reconnues par la justice.
Mathilde Mathieu
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