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Le comptage ethno-racial divise

Samedi, 21 Octobre, 2006
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Samuel Thomas: «ces critères sont toujours utilisés négativement»

Réunis à l'EHESS, statisticiens et partisans de l'établissement de fichiers ethniques ont exposé leurs arguments.

 

Société

 

Le comptage ethno-racial divise


Par Catherine COROLLER

QUOTIDIEN : Samedi 21 octobre 2006 - 06:00

«L 'établissement progressif de statistiques ethniques est sans doute devenu inévitable.» Le constat manque d'enthousiasme, mais c'est en ces termes que la sociologue Dominique Schnapper, directrice de recherches à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), a introduit jeudi le colloque organisé sur le sujet à Paris par le Centre d'analyse stratégique, ex-Commissariat général du plan. Sa prudence peut s'expliquer par le fait que la question du comptage ethnique de la population, pratique courante en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, reste, en France, hautement politique.

Comptage. Schématiquement, une partie de la gauche alter et le contingent sarkozyste de l'UMP seraient plutôt pour au nom du multiculturalisme, les chiraco-villepinistes et les socialistes plutôt contre au nom de la République. Jeudi, les deux camps étaient représentés. Parmi les «pour», Georges Felouzis, professeur de sociologie à l'université de Bordeaux : «Nous avons une connaissance très fine des inégalités sociales, économiques, liées au genre. En revanche, les inégalités et discriminations ethniques sont mal connues.» Et n'ont donc «pas d'existence sociale». Savoir par exemple combien de cadres de telle entreprise ou d'enfants de tel quartier sont d'origine maghrébine ou subsaharienne permettrait, selon lui, en étudiant leur trajectoire professionnelle ou scolaire, de mesurer les éventuelles discriminations dont ils sont l'objet.

Pour Jan Robert Suesser de la Ligue des droits de l'homme, en revanche, le comptage ethno-racial présente des risques : «Le ministre de l'Intérieur réclame des statistiques ethniques sur les délinquants», rappelle-t-il. Lui craint que ce type de données ne serve qu'à «alimenter la justification d'approches racistes». Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme, s'oppose également au catalogage des gens car «ces critères sont toujours utilisés négativement». 

Pour les chercheurs, l'établissement de telles statistiques pose une autre difficulté : comment créer des catégories ethno-raciales permettant à une population de plus en plus métissée de s'y reconnaître ? «L'ethnicité a peu à voir avec les origines, elle est liée au regard d'autrui», observe Alain Blum, directeur de recherche à l'Ined (Institut national d'études démographiques).

«Anonymes». Pour le sociologue Jean-Luc Richard, point n'est par ailleurs besoin de créer de nouveaux outils, les données existantes, trop peu utilisées selon lui, suffisant. Dans ce cas, pourquoi cette polémique ? Pour des raisons politiques, répond-il en substance. Et parce que les modèles américains et britanniques sont en train de s'imposer. Pour l'heure, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) se range dans le camp des opposants. Elle préconise «des enquêtes anonymes, ouvertes et sous strict contrôle public», selon Alain Bauer, membre du comité consultatif. Quant à la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), plutôt hostile jusque-là aux statistiques ethniques, elle s'offre aujourd'hui une seconde réflexion. Son président, Alex Türk, a annoncé jeudi la création d'un groupe de travail sur le sujet afin d'arrêter d'ici à février 2007 une position qui sera transmise aux candidats à la présidentielle.



http://www.liberation.fr/actualite/societe/212137.FR.php

© Libération

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