Immobilier : le procès de la discrimination raciale
Toulouse (Haute-Garonne)
C'EST
UN SYSTÈME de discrimination raciale au logement planifié, organisé et
codifié que Réjane Massaré, gérante de Sud Location, est venue exposer devant
le tribunal correctionnel de Toulouse à la suite d'une plainte de SOS
Racisme. A la tête de cette agence immobilière toulousaine ayant pignon sur
rue spécialisée dans la vente d'adresses, activité et plus connue sous le nom
de « marchands de listes », Réjane Massaré a reconnu que c'était à son
initiative et à la demande expresse des propriétaires des logements qu'elle
mentionnait depuis 2000 sur la fiche de ses clients les deux lettres « PE »
pour « Pas d'étrangers ».
« Je regrette que les propriétaires ne soient pas présents dans le box
des accusés »
La gérante a reconnu, aux policiers qui l'ont interrogée en 2003, qu'au moins
250 propriétaires, sur les 13 000 fichés dans son agence, avaient émis le
souhait de ne pas loger d'« étrangers ». Devant le tribunal, elle a expliqué
comment, quand un ressortissant étranger ou de couleur se présentait à
l'agence, payait 160 € pour consulter une liste d'adresses et
choisissait de visiter un logement sur lequel était inscrit « PE », le
personnel de Sud Location était chargé de trouver des excuses pour ne pas
organiser la visite. « On faisait le tri des petites annonces à leur place,
cela évitait à mes clients étrangers d'être rabroués face à des propriétaires
ne souhaitant pas leur louer l'appartement », se justifie la gérante, «
oubliant » dans sa défense à se chercher des excuses. « Le client étranger
trouvait plus rapidement un logement, bien souvent le lendemain de son
inscription, puisque je ne les envoyais que vers des propriétaires qui les
accueillent plus facilement », raconte la gérante, mettant en avant sa bonne
foi et son sens du « dévouement ». Sa défense est cependant mise à mal par
Emilie Valat, ancienne hôtesse d'accueil par qui le scandale est arrivé en
dénonçant ces méthodes à SOS Racisme, qui a ensuite porté plainte auprès du
procureur de la
République. « Quand un étranger, principalement originaire
du Maghreb ou d'Afrique, souhaitait visiter un appartement dont le
propriétaire ne voulait pas d'étrangers, on trouvait des excuses pour leur
refuser l'accès à l'appartement », explique-t-elle au tribunal, avouant agir
sur les directives de sa supérieure. Des salaires pas assez élevés, la
présence d'animaux domestiques, le client n'est pas fonctionnaire, alors les
salariés de Sud Location étaient chargés de mettre en avant les inconvénients
de l'appartement pour dissuader le client. Partie civile dans ce procès, SOS
Racisme a mis en avant l'ampleur de ce procès, puisque c'est la première fois
qu'un tel système est mis au jour. « Je regrette amèrement que les
propriétaires ne soient pas présents dans le box des accusés, leur
comportement est inadmissible », a dénoncé Samuel Thomas, vice-président de
l'association. En début de soirée, le procureur a requis contre la gérante 8
000 € d'amende, huit mois de prison avec sursis, la fermeture de son
établissement pendant plusieurs mois, la publication du jugement dans
différents journaux ainsi que l'interdiction de droits civiques pour la
gérante de l'agence. Le tribunal a mis le jugement en délibéré au 3 août.
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