Une agence jugée
de discrimination raciale
Le
tribunal correctionnel de Toulouse juge la gérante d'une agence immobilière
soupçonnée d'avoir, pendant des années, écarté des étrangers ou des personnes
d'origine étrangère des offres de logement à la demande d'au moins 250
propriétaires.
e tribunal correctionnel
de Toulouse jugeait lundi 4 juillet la gérante d'une agence immobilière
soupçonnée d'avoir, pendant des années, écarté des étrangers ou des personnes
d'origine étrangère des offres de logement à la demande d'au moins 250
propriétaires.
L'association SOS Racisme, partie civile, avait déposé plainte en mai 2003
contre l'agence SUD Location, après le témoignage d'une ancienne salariée qui
dénonçait des pratiques discriminatoires à l'encontre de certaines populations,
principalement maghrébine et d'Afrique noire.
Abonnement
Sud Location est une agence qui propose des listes d'appartements à louer
contre le paiement d'un abonnement.
Selon SOS Racisme, le listing informatique comme les fiches manuscrites de
renseignements sur les logements à louer faisaient parfois apparaître la
mention P.E. pour "pas d'étranger".
"Effectivement, il peut figurer sur certaines fiches la mention
P.E.", a reconnu dans une déposition la gérante de l'agence, seule
prévenue, en précisant que c'était "à la demande exclusive des
propriétaires et non pas de (son) initiative".
Dans le cadre de l'enquête, la gérante a fourni une liste de quelque 250
propriétaires qui auraient demandé l'utilisation de la mention "pas
d'étranger", tout en précisant à la justice que c'était une liste
partielle.
Mais les 250 propriétaires n'ont pas été poursuivis. "La police n'a pas
jugée utile de les interroger en mettant en avant la lourdeur de
l'enquête", regrette amèrement Samuel Thomas, le président de SOS Racisme.
Propriétaires absents
"On a perdu l'occasion de juger les acteurs de tout un système et pas
seulement la tête de pont; mais on se réserve le droit de les attaquer plus
tard", ajoute-t-il.
Toutefois, cette affaire, même s'il n'y a qu'une prévenue, la gérante,
s'attaque bien à des discriminations systématiques.
"Avec des centaines de victimes et des centaines d'auteurs de
discriminations, c'est bien le procès d'un système cette fois-ci, alors que
jusqu'à maintenant les actions en justice concernaient des cas
individuels", souligne Samuel Thomas.
Le président de SOS Racisme rappelle à ce sujet que de nombreux dossiers
impliquant des organismes publics, comme des offices HLM par exemple,
"n'ont pas abouti pour l'instant, alors que les faits sont étayés".
Les condamnations sont aussi parfois difficiles à obtenir faute de preuves,
même si le "testing", via des enregistrements de conversations
téléphoniques, a été pris en compte par la justice.
"L'ampleur des discriminations au logement est immense, on le voit avec
une affaire comme SUD Location, mais il y a tout de même des changements de
comportement", se réjouit Samuel Thomas.
Et de citer des agents immobiliers qui se tournent vers SOS Racisme pour savoir
ce qu'ils peuvent faire face à des propriétaires racistes ou des témoins de
discrimination qui n'hésitent pas à agir.
AP
© Le Nouvel Observateur 1999/2000
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