DISCRIMINATION
"Un manque de moyens
pour appliquer la loi",
Quelle est la procédure juridique à suivre pour une victime de
discrimination ? Comment peut-on prouver qu'il y a racisme ?
- La méthode la plus efficace pour une victime de discrimination est le procédé
du "testing", qui a été validé par la Cour de Cassation lundi 4 juillet. Le
"testing" est reconnu comme une preuve depuis deux arrêts de la Cour de Cassation en 2000 et
2002. La Cour de
Cassation a rendu un arrêt lundi 4 juillet, dans l'affaire de l'agence
immobilière toulousaine, qui reconnaît le droit à "piéger" avec un
enregistrement de conversations téléphoniques. Avec le "testing"
téléphonique enregistré, nous n'avons pas de limite dans nos méthodes de
recherche de preuve. Pour la victime, tous les moyens sont bons,
l'enregistrement n'est pas considéré comme une écoute téléphonique illégale. Ce
procédé du "testing" est utilisé d'ores et déjà par des milliers de
personnes. Des victimes de discrimination appèlent régulièrement SOS Racisme
une fois l'enregistrement fait. Ce procédé a engendré de nombreuses plaintes
dans les tribunaux.
Pourquoi, selon vous, les propriétaires racistes ne sont pas poursuivis ? Ne
pensez-vous pas que ce sont eux les véritables coupables ?
- La gérante de l'agence immobilière est véritablement coupable, elle n'a pas
d'excuse. Elle ne touchait pas d'argent des propriétaires. C'est en son âme et
conscience, et parce que cela correspondait à son idéologie, qu'elle a instauré
ce code raciste et qu'elle a ordonné l'exécution de cette discrimination à son
personnel.
Pour SOS Racisme, les propriétaires devaient faire l'objet de poursuites, c'est
ce que nous avions réclamé. Nous avions réclamé l'identification des victimes
et des propriétaires. Aucune de ces deux démarches n'a été accomplie par la
police. Elle a refusé ce travail qui lui semblait trop important au regard de
ses effectifs. A chaque fois qu'on veut démanteler un système de
discrimination, on nous répond qu'on manque de moyens. En France, seuls huit
policiers sont spécialisés dans ce domaine là. La préoccupation de SOS Racisme
est de savoir comment la France
peut prétendre faire de la lutte contre les discriminations une priorité
nationale en n'y mettant pas les moyens. Il y a des centaines de policiers
employés à des contrôles d'identités inutiles et humiliants, ces moyens
pourraient être réaffectés. C'est un choix d'affectation, ce n'est pas un
problème de moyens. Les hommes politiques, les gouvernants, sont conscients
qu'on ne peut pas continuer à prétendre avoir une législation adéquate si les
moyens ne sont pas mis pour l'appliquer. Le code pénal prévoit 225.000 euros
d'amende pour une entreprise qui pratique un cas de discrimination. A Toulouse,
lundi 4 juillet, 8.000 euros ont été réclamés pour une entreprise ayant tout un
système de discrimination. Une entreprise qui installe un système de
discrimination peut être sanctionnée de fermeture pendant cinq ans. Lundi,
c'est la première fois que le procureur allait dans notre sens en réclamant la
fermeture de l'entreprise.
En terme de réparation pour les victimes, on est loin de la reconnaissance de
l'ampleur du préjudice subi par les victimes. En France, dans le cas de
discrimination, le chiffre le plus haut est 4.500 euros de dédommagement versés
à une victime. Aux Etats-Unis, 23 millions de dollars ont été versés à une
victime de discrimination sexiste. Il y a des changements à opérer sur la prise
en compte de la gravité de la souffrance des victimes et la nécessité de
prononcer des sanctions de dissuasion.
En France, la plus lourde sanction pour une entreprise est la médiatisation de
l'affaire. C'est la médiatisation qui a engendré des changements politiques.
Le procès de Toulouse ne constitue-t-il pas une atteinte à la liberté de
louer ?
- Nous sommes dans un pays dans lequel il n'y pas de liberté de tuer, de
blesser, de frapper ou d'insulter, ça ne fait pas partie des libertés d'exercer
cette violence. Ces procès de discrimination ne sont pas menés uniquement pour
la défense des intérêts des victimes, le racisme représente un danger de
conflit communautariste. Les guerres qui ont meurtri l'Europe et le monde,
comme au Rwanda, au Soudan ou en Arménie, étaient fondées sur le racisme. Ce
sont des lois qui protègent notre société du chaos.
Propos recueillis par Catherine Perrot
(le mardi 5 juillet 2005)
© Le Nouvel Observateur 1999/2000
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